Nice-Matin (Cannes)

 hommes en colère et une seule... justice

Charles Tordjman met en scène l’immense texte de Reginald Rose. Une pièce autour de la justice et des préjugés à voir aujourd’hui, à 20 heures sur la scène d’Anthéa a Antibes

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Culte. Si le texte de Reginald Rose a marqué plusieurs génération­s, avec notamment l’adaptation cinématogr­aphique de Sydney Lumet, 12 hommes en colère continue de séduire des metteurs en scène. Preuve en est avec l’adaptation faite de Charles Tordjman. Une création qui trouve plus que jamais une résonance avec l’actualité à l’heure où les réseaux sociaux se font tour à tour juges, avocats voire bourreaux… Succès incontesta­ble à Paris et en tournée, la pièce a notamment été sacrée par les Globes de cristal comme « meilleure pièce de théâtre » en 2018. À découvrir ce soir au théâtre Anthéa.

Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette aventure ?

C’est le directeur du théâtre Hébertot, Francis Lombrail, qui m’a appelé pour me proposer cette mise en scène. A priori partir là-dessus avec le chefd’oeuvre cinématogr­aphique qui en a été fait me semblait insurmonta­ble. Mais en lisant son adaptation, je me suis rendu compte qu’avant tout, c’était une pièce. L’auteur avait écrit pour le théâtre. Je l’ai pris comme telle. Puis, j’ai découvert que l’année où l’oeuvre a été écrite, en , les époux Rosenberg, des scientifiq­ues, ont été accusés d’être des agents communiste­s et condamnés à mort à l’unanimité. Je me suis demandé si Rose avait écrit pour défendre les époux, de façon non frontale. Et au final, j’ai lu la pièce comme une revendicat­ion de la démocratie. Ça m’a plu encore plus. C’est peut-être le visage de l’Amérique dans ce qu’il a de plus beau et de plus généreux à offrir au monde.

C’est-à-dire ?

Le pouvoir du doute. Le texte met en avant le doute. En clair : il vaut mieux innocenter un coupable que de condamner un innocent si le moindre doute est présent.

Diriger douze comédiens dans un huis clos : sacré pari !

C’est très excitant. Cela fait travailler les méninges parce qu’il faut toujours prendre le point de vue de celui qui parle, a un avis. C’est drôle parce que dans la salle, on connaît l’issue. Mais ce qui intéresse le plus le public c’est le processus. Reginald Rose fait la part belle à l’humanité. Ici, on applaudit contre les préjugés.

Quel parti pris vous semblait important en la créant ?

En supprimant l’élément central : une table où tous étaient assis. Les douze acteurs sont face au public. Il y a une plus grande proximité. J’avais envie que le public se sente vraiment dans la même pièce qu’eux. Comment avez-vous installé la tension, le suspense ?

Avec l’idée de jouer vite, de ne pas trop penser, de laisser les impulsions immédiates se révéler. Les échanges vont vite, c’est nerveux et assez jouissif. Lorsque l’on travaillai­t je leur ai toujours dit : je ne connais pas la fin, et vous non plus. Ils jouent en grande innocence alors.

Quel élément vous tient à coeur au niveau du jeu ?

Il faut que tous soient concentrés sur l’écoute et soient présents dans le silence. Il n’y a pas de rôle plus important que les autres. Même si celui qui met le grain de sable dans le rouage s’avère évidemment bien présent.

Mais tous sont complexes et il faut avouer que rester enfermé avec onze autres personnes, ce n’est pas évident…

Ce n’est pas facile de parler avec onze personnes, c’est vrai. C’est bien là que l’on voit que la démocratie demande un effort.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France