Yannick Jadot : « Notre liste ne reculera devant aucun lobby »
Le candidat d’Europe Ecologie - Les Verts aux européennes défend un programme dont toute l’articulation repose sur la priorité donnée à la transition écologique
La liste écologiste conduite par Yannick Jadot pointe actuellement en quatrième position, derrière LREM, le RN et LR, créditée par les sondeurs de 8 à 9 % des suffrages. Le leader d’EELV, qui a intégré sur sa liste en 8e position la Villeneuvoise d’origine belge Caroline Roose, issue de l’Alliance écologiste indépendante, défend la cohérence de vue de ceux qui s’engagent à ses côtés.
Avec la prise de Pascal Canfin, craignez-vous que la liste LREM marche sur vos plates-bandes ?
Non. Je suis très heureux que tout le monde parle d’écologie, même si avec la liste LREM, on est au bout du bout de la poudre de perlimpinpin. On a là une troupe de théâtre, un casting qui réunit des anti-glyphosate, des pro-glyphosate, des antichasse, des pro-chasse, des antinucléaire, des pro-nucléaire… Et à la fin, on le sait depuis deux ans avec Emmanuel Macron, ce sont le glyphosate, la chasse, le nucléaire et les accords de libre-échange qui gagneront. Sa vision de l’écologie, c’est Nicolas Hulot qui en a le mieux parlé, en l’apparentant à une mystification. Lui a choisi de ne pas cautionner cette fabrique permanente de l’inaction. Avec cette mise en scène, comme un baril de lessive, de la liste d’En marche, on assiste à un énième renoncement, en mettant tout le monde sur un pied d’égalité pour ne rien faire au final. Dans ce moment où tout le monde voit bien l’urgence absolue de lutter contre le dérèglement climatique, de faire évoluer notre modèle agricole et de combattre la pollution de l’air, les Français, je veux le croire, choisiront une liste qui a démontré sa cohérence, sa combativité et qui ne reculera jamais devant aucun lobby.
Pourquoi cette désunion de toutes les listes de gauche ?
Pour ma part, je ne voulais pas d’une union de façade à Paris qui ne se serait pas traduite par une cohérence des votes et des groupes politiques au Parlement européen. On assiste actuellement à des règlements de comptes entre anciens socialistes, nouveaux socialistes et socialistes de toujours.
Ils passent leur temps à se critiquer. L’Europe et l’écologie méritent mieux que ça.
Le mai, celui qui mettra un bulletin vert dans l’urne aura la certitude d’avoir un député vert qui siégera au sein du groupe des Verts et qui sera au coeur de ajoutée, c’est là qu’on respecte l’environnement, qu’on fait vivre nos terroirs et qu’on fournit une alimentation saine. Si l’agriculture française satisfaisait toute la consommation bio, nous aurions paysans en plus. Au-delà de protéger l’environnement, il existe un gisement formidable dans le bio.
Vous défendez l’idée d’un protectionnisme vert. Comment se traduira-t-il pour les échanges commerciaux ?
L’idée est d’établir une taxe carbone à nos frontières pour les produits issus des pays qui ne respectent pas l’accord de Paris, ne font pas d’efforts en matière de climat, afin de protéger nos entreprises qui, elles, fournissent des efforts. Et puis il s’agit, d’ici à cinq ans, d’interdire les produits issus de pays qui ne respectent pas la liberté syndicale. L’enjeu est de défendre les salariés, ici comme là-bas. L’Europe doit devenir le pilier d’une régulation de la mondialisation libérale, qui produit la destruction de l’environnement, maltraite les femmes et les hommes, et fait souffrir les animaux.
Souhaitez-vous, comme l’idée a été évoquée par Renaud Muselier, l’instauration d’une taxe pour les poids lourds transitant par la Région Sud ?
Bien sûr. Aujourd’hui, ce sont les automobilistes ou les contribuables qui paient la pollution causée par les poids lourds. Ce n’est pas normal. Il faut absolument un grand plan européen de fret ferroviaire, pour éviter d’avoir autant de camions sur les routes. C’est un enjeu de sécurité routière et de santé. Selon les derniers chiffres européens, nous avons morts prématurés par an liés à la pollution de l’air, soit environ personnes par jour. C’est un scandale sanitaire qu’il faut absolument faire cesser.
Quel est le volet social de votre programme ?
Notre projet, ce sont des millions d’emplois à créer dans toute l’Europe, ancrés dans les territoires : dans l’isolation des logements, les énergies renouvelables, la mobilité, l’éducation, la santé ou encore la production agricole, on l’a vu. Nous soutenons aussi l’idée d’une Sécu de l’environnement, en liant la protection de l’environnement et la protection sociale, que ce soit pour protéger les victimes des pesticides, des inondations, les personnes en précarité énergétique, ou encore pour accompagner, par la formation et par un revenu de transition écologique, tous ceux qui souhaitent travailler dans la nouvelle économie axée sur la protection de l’environnement.
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L’Europe doit assumer collectivement l’accueil des réfugiés”
Ce revenu de transition se monterait à combien et se déclencherait comment ? Quand vous êtes paysan et que vous voulez sortir des pesticides, il vous faut au moins trois ans pour le faire et vous ne pouvez pas vendre vos produits en bio durant ce temps-là. L’idée est donc de combler la différence de revenus. Quand vous êtes artisan et que vous voulez vous spécialiser dans l’isolation des logements, il faut vous former, acquérir des compétences. Et pour le faire, vous risquez de perdre des revenus. Le principe serait donc de compenser ces pertes grâce à de l’argent européen, pour s’assurer que tous ceux qui iront vers ces métiers de qualité, non délocalisables, ne soient pas pénalisés financièrement.
Quelles sont vos propositions en matière migratoire ?
Nous avons en e position sur notre liste Damien Carême, maire de Grande-Synthe, qui dans sa ville a montré qu’on pouvait accueillir en dignité les réfugiés. Nous voulons que la Méditerranée ne soit plus la frontière la plus dangereuse du monde avec près de
morts ces quatre dernières années, et que l’Europe assume collectivement l’accueil des réfugiés. Beaucoup de réfugiés quittent aussi leur région du fait du dérèglement climatique et du pillage des ressources naturelles. Il nous faut donc lutter pour la protection des ressources naturelles, pour un modèle agricole durable, en Afrique notamment. Notre priorité est d’agir contre les causes des migrations.