Nice-Matin (Cannes)

La très riche histoire de la villa Les Chênes Verts

Un lundi sur deux, en alternance avec Il y a cinquante ans, le passé reste d’actualité

- RENÉ PETTITI

La villa Les Chênes Verts est une des belles villas d’autrefois que l’on peut encore admirer au Cap d’Antibes au 152 Boulevard Kennedy. Elle fut construite en 1866 par l’architecte Auguste Abeille pour Adolphe D’Ennery, romancier et dramaturge parisien alors très en vogue, surtout connu du grand public pour être l’auteur des Deux Orphelines, drame en 5 actes écrit avec Eugène Cormon et créé le 20 janvier 1874 au théâtre de la Porte Saint-Martin.

Né à Paris le 17 juin 1811, il a découvert notre région grâce à son ami Auguste de Villemessa­nt, directeur du Figaro, qui souhaitait faire construire au Cap d’Antibes une maison qui devait servir de lieu de repos aux artistes et aux hommes de lettres. Le projet sorti de son imaginatio­n était la Villa Soleil, mais il ne put se concrétise­r. La Société du Cap d’Antibes prit le relais et décida de construire à ses frais ce qui deviendra le Grand Hôtel du Cap. Enthousias­mé par la région qu’on lui avait fait connaître, M. D’Ennery y acheta en 1865 cette vaste parcelle de terre couverte de chênes qui s’étendait jusqu’à la mer et y fera construire la villa dans ce site enchanteur avec vue imprenable sur la baie de Golfe-Juan. Jean-Baptiste Meiffret en fait mention dans son Guide d’Antibes et de ses campagnes en 1877 en termes élogieux : « À côté d’un bosquet de chênes verts qui est un vrai bijou et dans un jardin où les fleurs débordent de toutes parts, se dresse fièrement dans le style Louis XIV, la grande et magnifique

villa de M. D’Ennery ». C’est un grand bâtiment blanc de trois étages surmonté d’un toit terrasse avec balustres et, sur le côté, en décroché, une partie en saillie avec grandes baies et colonnes. L’accès au rezde-chaussée de cette belle demeure se fait par un grand escalier. L’auteur ajoute en complément de sa descriptio­n : « Dans le bas de la propriété, un manège en bâtisse et une serre comme il y en a peu, font l’admiration des connaisseu­rs. » Ce manège était une exigence de la compagne de M. D’Ennery, Mme Desgrange, une écuyère qui n’avait accepté de venir s’installer dans ce coin, alors loin de tout, qu’à ce prix. M. D’Ennery se faisait un plaisir de recevoir dans cette belle villa plusieurs de ses nombreux amis dont Rochefort et évidemment, Villemessa­nt.

Muse de Jules Verne

Parmi les nombreuses personnali­tés qui ont été ses hôtes figure l’écrivain Jules Verne, venu à Antibes à bord de son yacht ancré dans le port et qui y séjournera quelques semaines pendant 6 ans pour y travailler d’arrache pied avec son hôte sur la transposit­ion au théâtre de ses oeuvres : Le tour du monde en 80 jours, Les enfants du capitaine Grant, Michel Strogoff ou encore Les tribulatio­ns d’un Chinois en Chine .Àlamort d’Adolphe D’Ennery, le 25 janvier 1899, c’est sa fille qui hérita de la propriété. Elle fut rachetée en 1905 par Sophie Desplans, fille de Théophile Bourbousso­n, médecin privé de Napoléon III et restera dans la famille par voie de succession pendant une trentaine d’années. En 1936, elle fut mise en vente et acquise par Dreyfus Rose. En 1938, les Chênes Verts furent réaménagés et modernisés par l’architecte Louis Bensa avec réorganisa­tion de la maison. En 1953, elle fut achetée par l’industriel Jean Joannon, fondateur de la société Electro Sécurit intégrée ensuite aux Établissem­ents Legrand. Il fit réaliser de gros travaux au bâtiment sans toutefois le dénaturer. Ainsi il en rénova complèteme­nt l’intérieur qui, il est vrai, en avait grand besoin et fit construire une piscine dans le jardin. La villa ainsi remise au goût du jour permit d’y recevoir de nombreuses personnali­tés, le président Antoine Pinay, celui de Côte d’Ivoire, Houphouet Boigny, le Dr Garret Fitzgerald, premier ministre de la République d’Irlande, Michel Déon, de l’Académie Française et quantité d’autres.

Après le décès de M. et Mme Joannon, c’est leur fils, Pierre, consul d’Irlande qui en hérita. Il y a peu, la villa fut acquise par des Russes qui réaménagèr­ent entièremen­t le jardin à leur goût par la plantation de nouveaux végétaux et organisère­nt leur bien pour en profiter pleinement et confortabl­ement.

■ Sources : « Les Grandes Demeures », article de NiceMatin de Mme Fernande Basset-Terrusse du 2 août 1987 et documents Internet.

 ?? (Photo collection René Pettiti) ?? Cette carte postale ancienne donne un aperçu de la villa Les Chênes Verts dans sa version originelle, celle que connurent ses hôtes célèbres, un bâtiment qui ne manquait pas de charme dans un cadre exceptionn­el.
(Photo collection René Pettiti) Cette carte postale ancienne donne un aperçu de la villa Les Chênes Verts dans sa version originelle, celle que connurent ses hôtes célèbres, un bâtiment qui ne manquait pas de charme dans un cadre exceptionn­el.

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