Sarkozy, premier ex-président jugé pour « corruption » sous la Ve République
La Cour de cassation a rejeté, hier, les derniers recours formés par l’ancien chef de l’Etat, son avocat et ami Thierry Herzog et l’ex-haut magistrat Gilbert Azibert. Le procès se tiendra à Paris
Pour la première fois sous la Ve République, un ancien président sera jugé pour corruption : la justice a définitivement validé le renvoi de Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel dans l’affaire dite des « écoutes ».
Un procès dans les prochains mois
Le procès de Nicolas Sarkozy, sur lequel pèse par ailleurs la menace d’un procès pour « financement illégal » de sa campagne de 2012 dans l’affaire Bygmalion, devrait se tenir dans les prochains mois devant la 32e chambre du tribunal de Paris. Aucune date n’est encore fixée. Nicolas Sarkozy, retiré de la vie politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016, est soupçonné d’avoir tenté d’obtenir début 2014, par l’entremise de son avocat et ami Thierry Herzog, des informations secrètes auprès de Gilbert Azibert dans une procédure concernant la saisie de ses agendas en marge de l’affaire Bettencourt (soldée pour lui par un non-lieu en 2013) et ce, en échange d’un coup de pouce pour un poste à Monaco.
Au terme de leur instruction, les juges avaient ordonné le 26 mars 2018 un procès pour « corruption » et « trafic d’influence » contre les trois hommes, conformément aux réquisitions du parquet national financier (PNF). MM. Herzog et Azibert seront aussi jugés pour « violation du secret professionnel ». Dans un réquisitoire sévère, le 5 octobre 2017, le PNF avait comparé les méthodes de Nicolas Sarkozy à celles d’« un délinquant chevronné » et stigmatisé les nombreux recours intentés par ses avocats qui avaient « paralysé » l’instruction.
Un certain
« Paul Bismuth »
L’affaire trouvait son origine dans les interceptions de conversations téléphoniques de l’ex-chef de l’Etat avec son avocat, diligentées dans le cadre d’une autre enquête, celle sur les accusations de financement libyen de sa campagne de 2007.
Grâce à ces écoutes, les policiers avaient notamment découvert que Nicolas Sarkozy utilisait un portable secret ouvert au moyen d’une carte prépayée sous l’alias de « Paul Bismuth » (lire ci-contre) pour communiquer avec un unique interlocuteur : son avocat. D’après les conversations enregistrées, Nicolas Sarkozy semblait s’engager à intervenir en faveur de Gilbert Azibert pour un poste de prestige sur « le Rocher », qu’il n’a finalement jamais eu.
Nicolas Sarkozy avait renoncé à cette démarche au dernier moment, toujours d’après ces écoutes. Pour les enquêteurs, ce revirement peut s’expliquer par le fait que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog venaient d’apprendre que leurs téléphones secrets avaient été placés sur écoute.
Les enquêteurs se sont aussi interrogés sur d’éventuelles interventions de Gilbert Azibert, que ce dernier réfute, pour influer sur la décision des magistrats de la Cour de cassation, qui avaient rendu une décision défavorable à l’exchef de l’État sur ses agendas, dont le contenu était susceptible d’intéresser des magistrats enquêtant dans d’autres dossiers, notamment l’arbitrage Tapie.