Nouvelle offensive en faveur de la légalisation du cannabis
Le Conseil d’analyse économique plaide pour une « légalisation encadrée ». Plusieurs députés LREM ont signé une tribune en faveur d’une évolution de la loi de 1970
La légalisation du cannabis, un moyen de « reprendre le contrôle » face à l’ «échec» de la répression ? C’est la thèse défendue par des économistes chargés de conseiller le Premier ministre, dans un rapport iconoclaste publié, hier, qui étrille cinquante ans de politiques gouvernementales. Cette note du Conseil d’analyse économique (CAE), un groupement d’économistes rattaché à Matignon, appelle à créer un « monopole public de production et de distribution du cannabis », avec producteurs agréés et boutiques spécialisées.
Une légalisation qui permettrait «à la fois de lutter contre le crime organisé, de restreindre l’accès aux produits pour les plus jeunes et de développer un secteur économique », selon le document. Purement consultative, l’analyse tranche avec la ligne répressive de l’exécutif mais témoigne de débats nouveaux dans les allées du pouvoir.
Alors qu’Emmanuel Macron a écarté la dépénalisation et instauré une amende de 200 € pour les petits consommateurs, ce cercle d’économistes recommande à la France une légalisation totale comme au Canada, dans certains États américains ou en Uruguay. Une « légalisation contrôlée » également défendue dans une récente proposition de loi transpartisane, notamment soutenue par cinq députés « marcheurs ».
« Le système de prohibition promu par la France depuis cinquante ans est un échec », estiment les auteurs de la note, Emmanuelle Auriol et Pierre-Yves Geoffard.
Risque de schizophrénie augmenté chez les mineurs
Malgré une législation parmi les plus répressives du Vieux Continent, la France est championne d’Europe de la consommation de cannabis. « Toutes les familles françaises y sont exposées », a déclaré Mme Auriol, en conférence de presse. Selon la littérature scientifique, une « consommation modérée » de cannabis n’a « pas d’effets nocifs sérieux avérés » sur la santé des adultes, rappelle la note. Cette drogue augmente en revanche le risque de schizophrénie « des plus jeunes ». Le CAE recommande donc une interdiction de vente aux mineurs. Pour cela, les économistes souhaitent une « gestion étatique centralisée ». Concrètement, l’État délivrerait des licences à des « producteurs et distributeurs agréés », comme pour le tabac. Mais contrairement à la cigarette, le cannabis serait vendu dans des boutiques spécialisées, interdites aux mineurs et plus faciles à surveiller.
Matignon opposé
Ce rapport a toutefois laissé Matignon de marbre, alors qu’Édouard Philippe vient de faire de la lutte antistupéfiants une « priorité ». « Le gouvernement reste clairement opposé à la légalisation », a répondu son cabinet à l’Agence France Presse. De source proche du Premier ministre, on s’étonnait même que le CAE ait travaillé sur ce sujet et qu’il ait choisi de le traiter sous le seul angle économique. Le porte-parole des députés PS a au contraire invité l’exécutif à «accepter qu’il y ait un débat » afin que « les uns et les autres puissent se faire une opinion définitive ». Dans un appel publié, mercredi, dans L’Obs, plus de 70 personnalités, dont plusieurs maires, appelaient « à agir vite » pour légaliser le cannabis au nom du « pragmatisme ».
Selon Pierre-Yves Geoffard, coauteur du rapport, le « changement » sera porté par les élus locaux. « Plus ils sont proches du terrain, plus ils réalisent l’échec de la prohibition. »