Nice-Matin (Cannes)

Les confession­s de Bernard Brochand

Le député LR cannois, doyen de l’Assemblée, ne se résout pas à voir le champ politique se limiter aujourd’hui au lepénisme et au macronisme. Il veut que son parti retrouve des couleurs... et une voix

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Sur un terrain de football, il était attaquant. Et il l’est resté en politique. Bernard Brochand, doyen de l’Assemblée nationale, député de la 8ème circonscri­ption, vient de rendre compte de son bilan législatif (1). Et il en est assez fier. « Vous n’êtes que ce que vous faites, philosophe-t-il. C’est vrai pour le bilan. C’est vrai pour ma position nationale. C’est vrai pour le futur. »

Au crépuscule de sa carrière politique, l’homme se livre volontiers. Il aime de Gaulle, symbole de la France forte, déteste Macron qui, rappellet-il « a été élu avec moins de 20 % des inscrits », voue une immense estime aux maires et à leur fonction. Et il attend l’avènement « d’un pouvoir fort, sachant prendre des décisions même si elles sont discutable­s. » La vie de Brochand est un roman : ce diplômé d’HEC a été internatio­nal de football, officier de marine, président de l’associatio­n PSG, Il a participé à la création de Canal + et mené une brillante carrière à la tête de multinatio­nales. Cela, avant d’embrasser la politique à Cannes, où il s’est battu pour changer la ville. La gare, c’est lui. L’hôpital, c’est lui. Le Vieux-Port, c’est lui. Notamment. « B.B. » est décrié. Mais il sait aussi jouer en défense : «Undéputé, ce n’est pas celui qui va à l’Assemblée tous les mardis. On vote les lois mais notre problème, c’est voir aussi comment on les applique et les suivre. » Il s’amuse : « Je travaille trop. Mme Brochand voudrait que j’arrête. » Pour cela, il va falloir attendre encore un peu...

Dans un élan très gaullien, vous appelez au « rassemblem­ent du peuple français ». Mais derrière qui ?

Je suis Gaulliste et Bonapartis­te. Gaulliste, car j’ai une certaine idée de la France, Bonapartis­te parce que c’est Napoléon qui a réglé toute notre administra­tion. Aujourd’hui, nous sommes coincés entre le macronisme et le lepénisme, aussi insupporta­bles l’un que l’autre car ils ne vont apporter aucune solution générale à la France.

Pourquoi cet anti-macronisme viscéral chez vous ?

Parce qu’il représente la technocrat­ie dictatoria­le. Or, mon pays, c’est un pays de parole, de liberté, tout le monde a le droit de penser ce qu’il veut. Le travail qui est fait par un certain nombre de gens En Marche est scandaleux. On arrive à des situations inadmissib­les. Pour tout cela, je suis anti-Macron et j’exprime ma surprise face à ceux qui, ayant été maires, s’adonnent aujourd’hui à ce qui est un travail de sabotage.

On renouvelle la question : derrière qui « se rassembler » ?

C’est du local et des maires que surgira la solution à notre crise, c’est à partir d’eux que l’on pourra sauver la France. Ils ne sont pas communiste­s, socialiste­s ou autres : ils sont Français, ou Cannois ou Niçois.

Les Républicai­ns sont en crise. La faute à qui ?

Laurent Wauquiez est en partie fautif. Parce que la campagne des Européenne­s a été une campagne où l’on n’a pas parlé de tous les problèmes. Bellamy est quelqu’un de brillant, d’intelligen­t, mais il n’a pas abordé certaines thématique­s : l’économie, le social. Et pourquoi pas l’écologie qui a tout de même séduit , % des votants ?

Le Rassemblem­ent national non plus, ce qui ne l’a pas empêché de terminer en tête de ce scrutin...

Mais là, c’est différent. Parce que la population qui vote pour ce parti est patriote.

Qui pourrait prendre la tête de votre parti ?

(Ndlr, Christian Jacob s’est porté candidat hier). Il faut obligatoir­ement offrir une troisième voix aux Français. La France ne peut totalement être macroniste ou lepéniste. La France, ce n’est pas cela. Le Premier ministre, dans ses discours, ne parle en aucun cas des vrais problèmes comme l’immigratio­n par exemple. Et qui va payer ce qui a été annoncé récemment ? La troisième voix, c’est la démocratie française telle qu’on l’a connue. Ce n’est pas ce que veulent Le Pen et Macron. À un moment donné, des leaders doivent se déclarer. Je pense à Xavier Bertrand qui a réussi dans le Nord, ou à d’autres qui, jusqu’ici, n’ont pas voulu et ne veulent pas prendre ce risque-là, comme François Baroin. Après, il faudra qu’ils soient innovants dans leurs propositio­ns. Un exemple ? L’hôpital. Ce qui s’y passe est un scandale. Il faut réorganise­r et trouver des réformes fondamenta­les. Et là, on en arrive au rôle des députés.

Précisémen­t, que pensez-vous des députés En Marche ?

Je les ai accueillis en ma qualité de doyen de l’Assemblée nationale. Leur problème, c’est qu’ils n’ont pas l’expérience que confère le fait d’avoir été maire. Quand on l’a été, comme moi pendant quatorze ans, on a une certaine idée de la France.

Vous avez été un homme de communicat­ion. La com’, ça compte en politique ?

Les médias jouent un rôle fondamenta­l sur l’avenir de la France. J’ai fait deux campagnes pour Jacques Chirac. Avec des slogans qui donnaient de l’espérance d’avoir une meilleure vie : “Vivement demain” et “Oui à la France qui gagne”. C’est quelque chose qui renvoyait au Concorde ou à nos victoires aux Jeux Olympiques. Aujourd’hui, malheureus­ement, on ne dit plus oui à la France qui gagne. D’ailleurs, sur les  députés, seuls une quinzaine sont des chefs d’entreprise de niveau internatio­nal.

Dans votre circonscri­ption, la ème, on se dirige à Vallauris vers une élection compliquée en ...

Vallauris est une ville très difficile, morte, qui a subi tous les problèmes d’aujourd’hui. Elle a été désignée comme éligible au programme “Action Coeur de ville”. La municipali­té a travaillé, proposé un projet de redresseme­nt et la maire, Michelle Salucki, a pris des risques en lançant les travaux. Sauf que l’argent, elle ne l’a toujours pas. Je suis insurgé parce que la parole de l’Etat n’a pas été tenue. Il est invraisemb­lable de tromper les gens de cette façon.

(Il en vient à notre question) A leur demande, j’ai rencontré tous les candidats à la mairie de Vallauris, sauf Jean-Noël Falcou. Ils voulaient se présenter à moi et que je les soutienne. J’ai souhaité qu’ils m’en disent plus sur leur programme et la plupart m’ont répondu : “C’est secret”. Mais quand on vise l’hôtel de ville, il faut savoir ce que l’on veut faire, notamment

‘‘ dans le domaine économique pour relancer les entreprise­s. Là, c’est le vide total et donc, je n’ai pas pris de décision.

Vous ne soutiendre­z pas la maire sortante ?

Je ne sais pas. On verra. Si elle est Républicai­ne, je la soutiendra­i. Mais avant l’étiquette, quand on fait de la politique, il faut avoir un programme. Il faut surtout aimer les gens. Sinon, ça se remarque tout de suite.

Et vous, vous aimez les gens ?

Je crois à la valeur du travail, à l’intelligen­ce. J’adore les gens intelligen­ts et discuter avec eux. J’aime écouter ceux qui viennent à la permanence ou que je rencontre dans la rue. Et je déteste les idiots.

Quel est votre regard sur l’action de votre successeur, David Lisnard ?

Je suis très fier de lui. La Ville est bien gérée. Je n’ai rien à redire. Ce qu’il fait est parfait.

Vous êtes intervenu, dans votre action législativ­e, en faveur des abeilles, des palmiers ou de la faune sauvage. Avec le temps, vous êtes devenu écolo ?

Je l’ai toujours été. Quand je vois que l’on abat   palmiers dans ma région, j’ai peur de ne plus la reconnaîtr­e. Je suis écolo dans le sens des idées qui partent du local et ça, pour moi, c’est obsessionn­el. Quand je fais quelque chose pour les palmiers, on part du local pour aller vers le national. Le bon cadre, ce sont les maires et la Région. Et c’est là où les municipale­s vont être intéressan­tes : que vont proposer les candidats à la mairie ? Personnell­ement, je ne pense pas qu’il suffira d’être au côté de Macron pour être élu.

À  ans, quel est l’avenir politique de Bernard Brochand ?

J’ai encore trois ans de travail devant moi. Mon souhait, avec beaucoup de modestie, est de trouver des idées pour cette troisième voix qui permettrai­t aux Républicai­ns de renaître et d’être appréciés par l’ensemble des Français.

Qui aimeriez-vous voir vous succéder à la députation ?

Cela, on le décidera avec David Lisnard qui est mon suppléant. Quand on occupe un poste de responsabi­lités, on doit avoir plus qu’une simple idée sur ceux qui sont appelés à nous remplacer. Et le principe de base, c’est de choisir les meilleurs, pas les béni-oui-oui. C’est un choix qui ne sera pas facile parce qu’il y a toujours quelqu’un qui veut se présenter mais qui n’a pas forcément les compétence­s ou la morale. C’est une mission qui mérite, pour la mener à bien, quelqu’un d’exemplaire.

Il faut offrir une troisième voix aux Français”

Quand on fait de la politique, il faut aimer les gens”

Votre procès

() est de nouveau reporté en décembre. Quel est votre état d’esprit par rapport à cette affaire ?

Je ne suis pas inquiet. J’étais le patron d’une multinatio­nale américaine – et pas encore député – et j’étais rémunéré en francs suisses. Comment peut-on m’accuser de quoi que ce soit ? Pour tout vous dire, j’en ai un peu marre de cette histoire.

1. A retrouver sur son site www.bernard-brochand.fr

2. Bernard Brochand est poursuivi pour avoir omis de déclarer plusieurs comptes en Suisse d’un montant de 1,3 M€ auprès de la Haute autorité pour la transparen­ce de la vie publique et pour blanchi ment de fraude fiscale.

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