Nice-Matin (Cannes)

Le port de Cannes et la prépondéra­nce des armateurs grassois

- CORINNE JULIEN BOTTONI

retrouvez la rubrique de Corinne Julien-Bottoni, historienn­e et guide conférenci­ère depuis  ans à Cannes, Grasse et Fréjus Fréjus. Un rendez-vous agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.

Au XIXe siècle, l’économie de la ville des parfums semblait à son apogée. La ville désirant vendre d’avantage et bien que le marché soit assuré, devait trouver une solution adéquate au transport des marchandis­es. Les routes terrestres et maritimes étaient certes utilisées, mais elles n’assuraient pas l’augmentati­on du tonnage déjà en place. Les routes s’avéraient précaires et le petit port de pécheurs de Cannes ne pouvait accueillir de bateaux de grand tonnage. De plus, Antibes déjà plus éloigné, présentait comme inconvénie­nt majeur d’être avant tout un port de guerre.

Il fut alors décidé de tout mettre en oeuvre pour créer, dans la rade de Cannes, un port à la mesure du commerce grassois.

Une flotte importante d’embarcatio­ns diverses

Les délibérati­ons du tribunal de commerce de Grasse dévoilent les demandes des marchands de la cité des parfums. Ils furent d’ailleurs soutenus par les Cannois qui y voyaient un net avantage pour leur ville. À l’époque Grasse comptait 10 000 habitants et Cannes, 4 000.

En attendant, la réalisatio­n du projet, les Grassois décidèrent de faire construire une flotte importante de moindre capacité unitaire. Le plan d’eau au bas du Suquet fut bientôt sillonné de bricks, goélettes, tartanes et autres bombardes qui arrivaient, déchargeai­ent, emplissaie­nt leurs cales et repartaien­t au plus tôt, toutes voiles dehors. Grasse concentrée sur l’industrie avait laissé à d’autres contrées le soin de produire des céréales pour elle. On notait ainsi de gros arrivages de farine, de blé et graminées. Le blé provenait de Nice, de Marseille et Dunkerque, le riz de Gênes et de Nice, les haricots, fèves, son et avoine, de Marseille et Rochefort.

La morue salée, le café, le cacao, le sucre, les liqueurs, le chanvre et l’huile pour graisser les machines arrivaient uniquement de Marseille. Les Crouët, grande famille de négociants grassois possédaien­t un immense dépôt à Cannes. Il arrivait certains mois au port plus de 140 tonnes de blé et tout autant de farine !

Ces embarcatio­ns appartenai­ent pour la plupart d’entre-elles à des négociants grassois, comme nous l’apprennent les cahiers de délibérati­ons du tribunal du commerce de la cité des Parfums.

Le capitaine seul maître à bord !

Certains bateaux mouillaien­t dans le port de l’île Sainte-Marguerite, pour se mettre à l’abri du vent. Sur le plan administra­tif, aucun navire ne pouvait prendre la mer sans que l’état de sa coque, mâture, voilure et autres gréements n’aient été contrôlés. Les capitaines, seuls maîtres à bord, décidaient s’ils pouvaient quitter ou non le port. Et les armateurs de regimber quand ils décidaient de ne pas mettre la voile par gros temps. Les marchandis­es entreposée­s à fond de cale risquaient de se détériorer et de créer un préjudice aux armateurs. Parfois, des naufrages avaient lieu avec pertes de corps et de biens.

Cependant, les capitaines pourtant très durs avec leur équipage, tenaient avant tout à sauvegarde­r la vie des hommes. Un jour, le commandant d’un navire fit passer par-dessus bord une entière cargaison de vin, pour alléger le vaisseau et sauver ainsi la vie de ses marins. Tous ces accidents n’entravaien­t pas la fougue des armateurs grassois. La flotte commercial­e grossissai­t et s’augmentait même de bateaux corsaires qui étaient chargés de s’approprier de la cargaison d’autres navires.

En 1836, le gouverneme­nt de Louis-Philippe, sur les instances du député de l’arrondisse­ment ; également négociant et armateur, fit construire sur la plage de Cannes une jetée destinée à protéger les bateaux. Elle prit le nom de la chapelle attenante : le quai Saint-Pierre. En 1846, Noyon écrivait dans ses statistiqu­es du Var, le départemen­t des Alpes-Maritimes n’étant pas encore créé, « que le port de Cannes, après celui de Toulon, est le plus important du départemen­t. Le tirant d’eau des bâtiments qui le fréquenten­t est de 2 m50 à 3m. On s’occupe aussi d’y construire un môle qui préviendra le retour des nombreux naufrages. »

Cependant il faudra attendre 1856 pour qu’un phare soit enfin érigé à la pointe de cette digue.

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(Photos DR et P.L.) Du haut des remparts du Suquet, en , on découvrait les navires au mouillage ou à quai.
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