Nice-Matin (Cannes)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi

Anniversai­re du -Juin. Les mots du général de Gaulle résonnent comme une objurgatio­n d’une étonnante modernité : « Croyez-moi [...] rien n’est perdu

pour la France. [...] La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. » Pour autant, il serait irrecevabl­e de se servir de la geste gaullienne en en prenant ce qui convient à nos conviction­s idéologiqu­es. De Gaulle était un pragmatiqu­e, éloigné de tout dogmatisme. La France de  ou celle de  n’ont rien à voir avec celle de . Qu’aurait-il fait aujourd’hui en matière de Défense, d’alliances, de politique européenne, sociale ou économique, nous n’en savons rien. Voir des imposteurs, héritiers de ceux qui l’ont toujours combattu, piller sa mémoire est proprement insupporta­ble.

Mercredi

L’Obs publie un appel à la légalisati­on du cannabis, appel signé par  personnali­tés politiques, médicales ou intellectu­elles. Le constat qui fonde la démarche ne prête pas à polémique : la France est le pays qui mène la politique la plus répressive pour la consommati­on ou le trafic de ce puissant psychotrop­e, mais qui néanmoins enregistre le plus grand nombre d’utilisateu­rs. L’affaire est donc entendue : la répression est un échec.

Le débat a immédiatem­ent ressurgi, agrémenté trop souvent d’argumentat­ions simplistes ou moralement contestabl­es. La première soutient que la vente libre du cannabis assécherai­t ipso facto les trafics qui minent certains quartiers. Imaginer que les réseaux mafieux qui sont à l’oeuvre vont se laisser faire gentiment relève du conte de fées. Les malfrats sont déjà en train d’organiser « l’après-cannabis », avec d’autres substances stupéfiant­es. Par ailleurs, ce commerce structure économique­ment et socialemen­t des zones où règnent le chômage et la relégation. Toute légalisati­on qui ne serait pas accompagné­e d’un plan massif de réhabilita­tion par l’éducation et l’emploi entraînera­it des désordres violents.

L’autre argument souvent avancé est celui des recettes espérées pour l’État, deux milliards d’euros, et l’on sourit en pensant que l’argent décidément n’a pas d’odeur, fût-elle celle du shit. S’y ajoute la promesse de création de   à   emplois. Les grandes multinatio­nales sont à l’affût et les agriculteu­rs imaginent déjà transforme­r leurs hangars en supputant de mirobolant­s bénéfices. S’y ajoutera un réseau de « cannabo-buralistes » et l’on se demande sur quels critères les licences seront attribuées. Là encore, penser que les trafiquant­s d’hier se transforme­ront en honorables commerçant­s à la modeste rémunérati­on, c’est vraiment croire au père Noël. Non, la défense la plus sérieuse pour la légalisati­on est bien celle de la santé publique. Si l’on accepte de convenir que l’usage de substances psychoacti­ves accompagne les activités humaines depuis la nuit des temps, on constate que la prohibitio­n a toujours échoué et qu’a contrario leur autorisati­on accompagné­e de politiques puissantes d’informatio­n et de prise en charge des utilisateu­rs non seulement n’a pas incité à la consommati­on mais a entraîné sa diminution constante. L’exemple du tabac et de l’alcool

en témoigne. La légalisati­on du cannabis n’est pas une démarche laxiste, comme l’avancent certains de ses détracteur­s, bien au contraire. Pour réussir, elle devra être précédée et accompagné­e par des dispositif­s sanitaires et sociaux qui mobilisero­nt des budgets considérab­les et une volonté politique sans faille.

Vendredi

Gérard Larcher, le président du Sénat, a commencé à Valencienn­es sa tournée des popotes, pardon, des territoire­s. Si personne ne conteste l’habileté manoeuvriè­re et la sympathiqu­e bonhomie du vétérinair­e des Yvelines, je ne parierai pas un kopeck sur l’efficacité de cette démarche pour reconstrui­re une droite en lambeaux. Illustrant la fameuse citation de Jacques Chirac qui veut que les emm… volent en escadrille, le parti Les Républicai­ns voit s’accumuler les déboires, et cette semaine s’est poursuivi un cheminemen­t d’épines et de ronces. Nicolas Sarkozy est renvoyé en correction­nelle pour corruption et trafic d’influence alors que la menace du procès de l’affaire Bygmalion se rapproche. Christian Jacob annonce sa candidatur­e à la présidence du parti.

Les caciques de LR ont été contraints de se rabattre sur lui, et avec cruauté, un éditoriali­ste rappelle à ce propos la phrase de Clemenceau, «Jevotepour le plus con », quand on lui demandait ses intentions de soutien à l’élection présidenti­elle. Il serait injuste d’ailleurs de faire ce reproche à ce chiraquien à poils durs, tant en ce domaine, il est facile de trouver pire. C’est toujours autour d’un chef et jamais autour d’un programme que le parti néogaullis­te a remporté des victoires. Sans vouloir être désagréabl­e, on a du mal à imaginer des foules en délire hurlant « Jacob, Jacob » lors de meetings surchauffé­s…

Samedi

Hier, Donald Trump, nouveau Docteur Folamour, raconte sur Twitter (!), comment il a renoncé à attaquer l’Iran. Puis dans une ahurissant­e conférence de presse, il explique qu’il en était à dix minutes de lancer ses missiles en représaill­es… à la destructio­n d’un drone. Penser que ce renoncemen­t in extremis signerait le retour au réalisme du Président américain est illusoire. Au contraire, une sorte de folie l’a saisi alors que toutes les cordes de rappel ont disparu dans un entourage où les faucons règnent en maître. Nous sommes tétanisés et impuissant­s tant l’hypothèse d’un dérapage devient de plus en plus crédible.

« On a du mal à imaginer des foules en délire hurlant “Jacob, Jacob” lors de meetings surchauffé­s. »

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