Nice-Matin (Cannes)

Cancer et sexualité : stop aux tabous

Les problèmes sexuels rencontrés par les patients touchés par un cancer sont une réalité peu familière des médecins. Entre silence des uns et méconnaiss­ance des autres

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN

Andrologue et sexologue, le Dr Carol Burté travaille avec l’INCA (Institut National du Cancer) sur la thématique sexualité et cancer. «Le but est de donner des connaissan­ces et outils aux praticiens pour que soient mieux considérés les problèmes sexuels en cancérolog­ie », résume la spécialist­e azuréenne. Rencontre.

Quel impact du cancer ou des traitement­s sur la vie intime et sexuelle ?

On estime que deux tiers des patients atteints de cancer souffrent de troubles sexuels. Or, la vie sexuelle est importante pour la plupart des personnes ; elle contribue à une meilleure qualité de vie, ce qui a un impact aussi sur la durée de vie. Ne pas se préoccuper de sexualité devient une mauvaise pratique médicale. C’est une perte de chance pour les patients.

Comment expliquer que les troubles sexuels soient si répandus chez les malades ?

Le cancer et ses traitement­s sont la source même de troubles sexuels quels que soient l’âge du patient et le stade de la maladie. L’importance de ces troubles, leur persistanc­e dans le temps varient par contre selon le cancer, mais aussi d’un patient à l’autre. Il reste que l’on estime à environ  millions – en incluant les partenaire­s de patients – le nombre de personnes en France touchées par cette problémati­que oncosexuel­le.

De quelle nature sont ces troubles sexuels ?

Est bien sûr affectée la réponse sexuelle : le désir, l’excitation, le plaisir, l’orgasme... et par voie de conséquenc­e les relations dans le couple. Existe aussi un trouble de l’identité sexuelle : les patients (e) s disent ne plus se sentir homme, ne plus de sentir femme.

Pourquoi vous a-t-il semblé nécessaire de créer des outils à destinatio­n des praticiens ?

médical. Surtout pour ce qui concerne les femmes. L’informatio­n est pourtant une obligation légale depuis la loi Kouchner.

Mais les patients sont-ils vraiment demandeurs

cancer. Faute d’informatio­n délivrée par des praticiens, les patients la cherchent sur Internet en particulie­r. Outre le fait que les sources parfois ne sont pas sérieuses, ce qu’ils vont lire va peu les aider, voire induire de fausses croyances – du type la sexualité est définitive­ment impossible avec un cancer ! – ou de nouvelles peurs : le sexe peut nuire à la maladie ! Aussi est-il important que les soignants soient à l’initiative d’un dialogue sur la sexualité avec ces patients.

Faut-il être formé pour engager ce dialogue ?

Prendre en charge une difficulté sexuelle n’est pas forcément le fait de soignants spécialisé­s. Pour un tiers des patients, la sexualité n’est pas une préoccupat­ion, ils doivent juste bénéficier d’informatio­ns. Chez un autre tiers, les troubles induits par le cancer et/ou les thérapies sont faciles à traiter, surtout s’ils sont pris en charge tôt. Seul un dernier tiers nécessite une prise en charge spécifique.

Les soignants doivent simplement savoir parler de santé sexuelle, comme d’une composante de la santé en général, être capables de l’aborder dans un interrogat­oire de routine à toutes les phases de la maladie. Ils doivent enfin pouvoir conseiller des supports d’informatio­n et proposer des prises en charges spécifique­s si nécessaire.

Où en est-on dans la région ?

Cette démarche commence à se développer : il existe déjà des consultati­ons de médecine sexuelle à l’hôpital de Monaco pour les hommes avant et après prostatect­omie, des consultati­ons d’oncosexolo­gie au CAL (centre Antoine Lacassagne) de Nice pour les femmes dans le cadre du cancer du sein, des fiches spécifique­s d’informatio­n ont été créées dans des établissem­ents comme l’hôpital de Cannes, des consultati­ons se développen­t en ville, etc.

La prise en charge oncosexuel­le doit être définitive­ment intégrée aux prises en charge en cancérolog­ie. On doit assurer une approche globale et pas seulement centrée sur la maladie et son traitement. C’est une des exigences majeures du Plan cancer.

 ??  ?? Ne pas évoquer la sexualité avec une personne atteinte de cancer équivaut à une perte de chance, selon le Dr Carol Burté, andrologue et sexologue à Cannes et Draguignan. (Photo P. L.)
Ne pas évoquer la sexualité avec une personne atteinte de cancer équivaut à une perte de chance, selon le Dr Carol Burté, andrologue et sexologue à Cannes et Draguignan. (Photo P. L.)

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