Nice-Matin (Cannes)

L’appât du gain dévorant a un goût d’outre- tombe

Aujourd’hui, les assassinat­s d’Odette Hillairet et Yvonne Coppinger dans les années soixante

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin. fr Sources : Journal de l’année - 1967 Larousse ; Les Grandes affaires des Alpes- Maritimes, Arnaud Gobin ( éditions De Borée).

Tous les lundis, nous vous proposons une série de récits – parfois romancés – revenant sur des épisodes qui ont marqué le passé. Sur ces fameux jour où... tout a basculé dans notre cité des Remparts.

Des lunettes de soleil occultant ce regard que personne ne souhaite croiser. Coiffé d’un feutre et d’un manteau d’hiver trop grand pour lui, ce n’est évidemment pas sur un magazine de mode que s’affiche en gros plan son visage le 9 mars 1967. Dans les kiosques, ce matinlà, le titre Détective placarde le faciès marqué de Jean- Baptiste N. Un homme de 47 ans a qui l’on attribue intelligen­ce, sens des affaires et… deux assassinat­s.

« Je suis obligée de m’absenter quelque temps. Ne vous inquiétez pas, je vous donnerai bientôt de mes nouvelles » , postée depuis Antibes, la missive prétendume­nt signée de la douce main d’Yvonne Coppinger alerte ses proches. Elle ne correspond ni au style tapuscrit de la veuve de diplomate, ni à son ton, elle qui terminait toujours ses échanges épistolair­es par son prénom et non un solennel « Mme Coppinger » .

N’étant pas rentrée au sein de sa Villa du Belvédère de Golfe- Juan, depuis le 28 décembre 1966, la dame de 77 ans semble s’être évaporée. Une disparitio­n des plus inquiétant­es puisqu’un membre de son entourage vient d’être entendu dans une affaire des plus sordides…

Son négociateu­r de biens s’occupait

également des affaires d’Odette Hillairet. Qui, à 64 ans, n’a plus franchi la porte de son domicile de Mougins depuis février 1964. Enfin, c’est ce que l’on croyait. Puisqu’au final, elle ne l’a jamais vraiment quitté. Son corps dépourvu de vêtements a été retrouvé sous le carrelage de son rez- de- chaussée. Une scène terrible révélée au grand jour par le hasard. Lorsqu’un ouvrier réalisant des travaux pour la nouvelle locataire remarque un problème de nivellemen­t du sol… Mais avant cette macabre surprise, les enquêteurs se sont penchés sur les comptes de la dame ne répondant plus à l’appel… Et découvrent qu’après la vente d’un bien, douze millions d’anciens Francs lui reviennent. Si la banque réceptionn­e les fonds, ces derniers s’envolent petit à petit, par un inconnu usant de chèques au porteur. Étrange, dîtes- vous ? Jean- Baptiste N., ayant réalisé la transactio­n immobilièr­e, déclare la même chose aux policiers. Et assure n’avoir nullement connaissan­ce des retraits sur le compte de la regrettée. Sa disparitio­n ? Une romance sous le soleil ibérique. Avec un aplomb forçant presque le respect, l’interrogé conte une idylle arrangée : Odette Hillairet s’est amourachée d’un officier de l’OAS via une agence matrimonia­le. Pour vivre leur amour au grand jour et en toute liberté, ils n’ont eu d’autre choix que de s’exiler en Espagne. C’est même lui qui les a accompagné­s en gare de Cannes pour ce nouveau départ. Une version qui tiendra jusqu’à ce que les agents tombent sur le cadavre de la dame sous la… chambre à coucher.

Si les policiers ont des soupçons, ils devront attendre son implicatio­n dans l’alarmante absence d’Yvonne Coppinger.

Son ancienne propriétai­re va remuer la suie autour de cette affaire. À l’heure de visiter la villa Emily, qu’il occupait il y a encore quelques jours au Cap d’Antibes, son sang ne fait qu’un tour. En descendant l’escalier menant à la chaudière avec sa gardienne, elle n’a d’autre choix que de constater l’ampleur du drame.

Les deux femmes pensent à Landru. Les forces de l’ordre reconstitu­ent un puzzle dans le siphon des canalisati­ons : morceaux de sacs à main, enveloppes et chèques postaux au nom d’Odette Hillairet. L’énigmatiqu­e courtier est cuit. Flairant le vent qui ne tourne pas à son avantage, il prend la poudre d’escampette.

Il sera interpellé le 5 janvier 1967, au col de Perthus. Direction la PJ de Nice. Seize heures d’interrogat­oire. Ce qui le fera lâcher prise ? Les documents retrouvés dans les toilettes. Dans les volutes de tabac brun, Jean- Baptiste N. joue la carte de l’accident : « Je l’ai un peu bousculée. Mais s’est fracturé le crâne en tombant. » Dans la dissimulat­ion du crime, il implique la nouvelle occupante de la maison de la défunte. Lorsqu’il s’agit de passer à la Golfe- Juanaise, il avoue le meurtre. Mobile compris : l’argent, évidemment. Le corps ? Enterré à côté de la villa Emily.

Double homicide. Inculpé, il attend son tour à la maison d’arrêt de Grasse. Le 17 mai 1968 son procès s’ouvre. Il encourt la peine capitale. Sa complice est également présente. Elle doit répondre de recel de cadavre. Si cette dernière est condamnée à deux ans de prison, Jean- Baptiste N. sauve de justesse son dernier souffle ! Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, il doit son salut aux jurés. Ces derniers, avertis d’un coup reçu sur le crâne lors de sa mission de policier au Maroc, pensent que Monsieur N. est en proie à des problèmes psychologi­ques. Une clémence qui en a frappé plus d’un…

‘‘ Son corps nu retrouvé sous le carrelage ”

‘‘ Elle va remuer la suie autour de cette affaire ”

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( Repro DR) « Elle n’a plus franchi la porte de son domicile depuis     . Enfin, c’est ce que l’on croyait. Puisqu’au final, elle ne l’a jamais vraiment quitté. »

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