Nice-Matin (Cannes)

Caravelle Ajaccio-Nice : enfin la vérité ?

La ministre des Armées va saisir la Commission de la défense nationale. Un pas décisif pour faire toute la lumière sur le crash du 11 septembre 1968 et mettre fin à 51 ans d’omerta d’État

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Vers la fin d’une omerta d’État vieille de 51 ans ? Le 11 septembre 1968, la caravelle assurant la liaison Ajaccio-Nice s’écrasait en mer. Bilan : 95 morts, dont 13 enfants et 6 membres d’équipage. Un tir de missile a-t-il abattu l’avion - et non un simple accident - comme le pensent les familles de victimes ?

Selon les informatio­ns de NiceMatin, Emmanuel Macron a demandé ce lundi à la ministre des Armées, Florence Parly, de saisir la Commission de la défense nationale. Une procédure qui ouvre la voie à la déclassifi­cation d’un certain nombre de documents classés « secret-défense ».

Selon l’Élysée, joint ce lundi soir, deux courriers ont été adressés en ce sens à Mathieu et Louis Paoli, fondateurs de l’associatio­n des victimes du crash de la caravelle. Et ce, à la veille de deux jours de commémorat­ion de chaque côté de la Méditerran­ée.

Le directeur de cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, y souligne qu’Emmanuel Macron « mesure humblement l’affliction qui ne cesse d’être la vôtre depuis ce triste accident et entend votre quête en faveur de la manifestat­ion de la vérité ».

La thèse d’un tir de missile accidentel

En décembre 2018, le président de la République avait indiqué : « Soyez certains que je partage votre volonté que la lumière soit faite sur cette tragédie. » Le doyen des juges d’instructio­n niçois, Alain Chemama, avait pourtant récemment fait part aux parties civiles de ses difficulté­s à obtenir la levée du secret-défense. Et ce, malgré les engagement­s forts du président de la République. La saisine de la Commission manquait à l’appel.

« La thèse d’un tir de missile accidentel touchant l’arrière de l’appareil doit être prise très au sérieux, nonobstant les conclusion­s de l’époque », avait confié le juge Chemama. Confortée dans sa théorie du missile, l’associatio­n avait donc de nouveau écrit le 5 août dernier au président, demandant de nouveau la levée du « secret-défense ». L’annonce de l’Élysée de ce lundi est-elle un pas en avant décisif ? Un missile échappé d’une manoeuvre militaire a-t-il percuté la caravelle ce jour-là ? Seule la consultati­on des dossiers top secret pourrait permettre de le savoir.

L’associatio­n reçue à l’Élysée : une première

Toujours selon nos informatio­ns, le directeur de cabinet du président de la République propose par ailleurs de rencontrer Mathieu et Louis Paoli, au nom de l’associatio­n de victimes, à l’Élysée. Le rendezvous se fera en présence de la conseillèr­e justice de la présidence. C’est une première en 51 ans d’enquête. L’Elysée réaffirme au passage à Nice-Matin être « extrêmemen­t attentif au dossier ».

En réaction, Me Paul Sollacaro, avocat de l’associatio­n, indiquait ce lundi soir que les frères Paoli recevaient « cette main tendue » avec satisfacti­on. Mais de préciser : « Cela fait plus de cinquante ans qu’ils se battent. Ils restent prudents et attendent de découvrir le contenu de la rencontre. »

Hier matin, Christian Estrosi, maire de Nice, et Laurent Marcangeli, maire d’Ajaccio, avaient cosigné une tribune sur le sujet. «51ansde mutisme, pour ne pas dire d’indifféren­ce de l’État, interrompu de temps à autre par quelques timides chuchoteme­nts. La raison d’Etat, le « secret-défense » ne sauraient être des alibis plus longtemps. Il ne s’agit plus là d’une catastroph­e aérienne exceptionn­elle qui frappe l’opinion en plein coeur. Il s’agit de justice, l’un des trois piliers de notre démocratie qui semble encore aujourd’hui, parfaiteme­nt flouée alors qu’elle bénéficie d’une reforme récente, qui vise à l’accélérer, la rendre plus efficace et plus moderne. N’est-ce pas en ce cas précis le meilleur moyen de l’illustrer ? » Les maires des deux villes en appelaient à une « véritable oeuvre de justice ». Christian Estrosi et Laurent Marcangeli soulignent : « L’Histoire nous a appris qu’un État se grandit à reconnaîtr­e ses erreurs passées. À retrouver une conscience plus « tranquille » face à ce très mauvais traitement réservé à des familles inconsolab­les. »

Les deux édiles concluent sur cette citation : « Rien n’est plus nécessaire que la vérité, et, par rapport à elle, tout le reste n’a qu’une valeur de deuxième ordre. Friedrich Nietzsche. »

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(DR) Deux jours de commémorat­ions débutent ce mardi pour le e anniversai­re du crash de la caravelle Ajaccio-Nice.

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