Eric Serra de retour au bord du Grand Bleu
Avant son ciné-concert sur le Grand bleu le 18 mars au Nikaia, le compositeur sera présent mercredi pour une rencontre au siège de Nice-Matin et un forum FNAC à Cannes
C’est une sorte de BA de la BO. Autrement dit, une espèce de bande-annonce de son ciné concert, qu’il donnera le 18 mars prochain au Palais Nikaia. Demain, Eric Serra sera de retour au bord du Grand Bleu, plus de trente ans après la sortie du film cultissime, et sa présentation contrastée à Cannes. Une rencontre lecteurs au siège de Nice-Matin à Nice, puis un forum FNAC à Cannes à 17 h (avec dédicace de la B.O. du film Anna) composeront sa partition du jour, lui l’homme aux 23 musiques de films et séries. Dans les années 1980, on n’allait pas voir un film de Luc Besson sans acheter la BO. d’Eric Serra. Mais à tout juste 60 ans (il est né un 9 septembre), le « compositeur attitré » de Luc Besson est un musicien complet à la carrière épanouie, tant pour le 7e art que pour son propre compte, lors de concerts donnés avec son groupe RXRA. Une fois n’est pas coutume pour l’interview, paroles, plutôt que musique ! ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr
Revenir à Cannes, c’est forcément des souvenirs du Grand Bleu au Festival ?
Franchement ? Je ne me souviens de pas grandchose ! (rires) Évidemment, on m’en a tellement parlé depuis, mais je ne me souvenais pas du tout de la polémique sur le film (N.D.L.R. : fraîchement accueilli par la critique) à Cannes, même pas trop de ma présence alors que je suis sur les photos ! Mon vrai souvenir, c’est plutôt après la sortie du film en juillet, alors que j’étais chez un ami près de Toulon. Le téléphone a sonné : c’était le patron de Virgin, pour m’annoncer que la musique du film entrait en e position au Top album. La semaine suivante, le Grand Bleu était e puis la semaine suivante, er, avant de le rester pendant six mois ! Les trois albums derrière, c’étaient Michael Jackson, Sting et Johnny Clegg : du coup, j’étais extrêmement fier, j’en revenais pas !
Et la montée des marches ?
Ah, non plus. Je me rappelle plutôt le tapis rouge pour le Cinquième élément. C’est toujours très sympa d’être à Cannes pour un film, d’autant plus que moi, j’ai une position spéciale : je ne suis pas réalisateur ni producteur, je prends uniquement le fun !
Vous avez obtenu un César avec Le Grand bleu. Symbiose absolue ?
Pas plus que d’habitude. La symbiose, c’est à chaque fois que je travaille avec Luc Besson, mais c’est vrai que le succès de cette B.O. reste exceptionnel.
Vous avez composé cette musique en vous inspirant des images, sublimes ?
En général, je compose à partir des images. Je fais du sur-mesure comme un tailleur, pas du prêt-àporter ! Mais pour le Grand bleu, j’étais au courant plusieurs années avant, tout un travail abstrait s’est fait en amont depuis le jour où Luc m’a raconté ce film. J’étais déjà plongé dans le Grand bleu !
Y compris en apnée ?
Oui, j’ai fait beaucoup de plongée à l’époque, et j’ai la chance d’avoir été initié par le vrai Jacques Mayol. J’ai été bouleversé et fasciné par cet homme, et je suis tombé amoureux de sa discipline, qui relève à la fois de l’exploit sportif mais aussi d’une philosophie zen, très spirituelle. Cette combinaison-là me convenait parfaitement (N.D.L.R. : c’est le cas de le dire !) et j’ai passé deux mois sur un bateau à m’entraîner avec Jean Reno.
Le monde du silence a créé la musique. Paradoxal ?
Le processus de création se nourrit toujours des émotions, or l’apnée procure des émotions uniques qu’on ne connaît pas à terre. On jetait l’ancre à 10-12 mètres et on descendait au fond en apnée. Avec l’entraînement, je tenais jusqu’à 2 minutes, c’était très agréable, l’impression d’être dans un autre état. Ces deux minutes-là, elles se sont traduites en musique, même si on ne les entend pas.
Être toujours considéré comme «le compositeur attitré » de Luc Besson, vous en pensez quoi ?
Il y a toujours du pour et du contre, évidemment. C’est pas faux, je ne peux pas le nier, puisque j’ai composé pour quasiment tous ses films depuis qu’on a ans, et ma première musique de film était pour son premier court-métrage (N.D.L.R. : Le dernier combat). Mais ça ne veut pas dire que je suis son compositeur exclusif ! J’ai fait quand même quelques autres trucs, des films américains et français, un James Bond, et j’ai mené ma carrière parallèle de musicien même si elle est moins médiatisée, notamment sept ans avec Jacques Higelin. Tout cela est aussi important pour mon épanouissement personnel.
Pour le James Bond, Golden Eyes, certains fans vous ont reproché de vous être trop éloigné du thème originel ?
Moi, je n’ai pas franchement fait attention à ces critiques. Les producteurs de Golden Eyes m’avaient donné carte blanche car ils étaient archi fans de mon travail avec Besson, surtout après Léon. Ils voulaient un ravalement total de James Bond, il n’était pas question de copier John Barry, donc j’ai donné mon interprétation. À l’arrivée, c’est une des deux B.O de James Bond qui a été le plus vendue avec Goldfinger .Tantpis pour les quelques intégristes.
Il y a aussi Pauvres diables avec Johnny Hallyday, pour le film 15 août ?
Avant de le connaître, je vous l’avoue, ce n’était pas trop ma tasse de thé. J’étais pop-jazz et je le considérais comme un chanteur de variété. Mais j’étais content de bosser avec quelqu’un de si légendaire, et en fait, je l’ai adoré. C’était un talent exceptionnel, mais aussi un gars humainement extra.
Vous faites même chanter votre fille Mitivaï, pour Anna, le dernier Besson ?
Oui, c’est magnifique, d’autant que ce n’était pas prévu. Depuis qu’elle est née, elle adore danser et chanter, c’est une vraie artiste. Pour le film de Luc, j’avais écrit cette chanson, I am a criminal, dont on entend un bout dans une scène. Quand j’ai fait la maquette, sans les paroles, il me fallait une voix féminine et comme j’étais chez moi, dans mon studio, c’était plus simple de demander à ma fille de chanter. J’ai trouvé ça super, et lorsque Luc a écouté le morceau, il a trouvé que ce timbre-là apportait quelque chose. Du coup, à ans, la voilà qui chante le single d’un film international, avec le clipettout!
Anna est un échec commercial pour un Besson. Ses soucis, tant personnels que professionnels vous affectent aussi ?
‘‘ Les attaques contre Luc Besson sont injustes et dégueulasses ”
Bien sûr. C’est un ami de plus de quarante ans, comme un frère. De plus, je sais quand même de quoi il est capable ou pas, et il y a beaucoup de choses dont on l’accuse auxquelles je ne peux pas croire une seconde, mais qui ont un impact monstrueux. Non seulement l’insuccès de son film m’affecte sur un plan professionnel, mais aussi humainement parlant. Et qu’il subisse des attaques personnelles de manière injuste, je trouve ça dégueulasse. Après, je pense qu’il est assez fort pour s’en remettre...
Savoir + : Pour rencontrer Eric Serra à Nice-Matin ce mercredi, merci de poser trois questions et de les adresser à redacchef@nicematin.fr Séance de dédicace à la Fnac de Cannes à 17 h