Nice-Matin (Cannes)

 ans ferme à des proxénètes sud-américains

Le tribunal correction­nel de Grasse a infligé jusqu’à 5 ans de prison ferme à des proxénètes sudamérica­ins, hier soir. Ils organisaie­nt la venue sur la Côte de femmes monnayant leurs charmes www.antibesjua­nlespins.com

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Oui, chéri ». Au téléphone, la voix féminine est teintée d’un accent sud-américain prononcé. Sur un ton aguicheur, elle énumère les prestation­s sexuelles proposées : « amour », « fellation »... Les tarifs ? 100 euros la demi-heure, 150 l’heure, 250 si la prostituée fait le déplacemen­t. Au moment de raccrocher, la jeune femme ignore que ce client cache, en réalité, un gendarme qui traque des proxénètes. Les gendarmes cannois appellent deux numéros de téléphone communs, associés à de petites annonces repérées sur le site Vivastreet. À chaque fois, le même discours, les mêmes tarifs. Et le même accent latino. En novembre 2017, les militaires mettent ainsi un terme aux agissement­s de proxénètes colombiens venus sévir sur la Côte. Ou plutôt « travailler », assurent-ils. Eric Lopez Polanco, 35 ans, n’est pas là pour plaisanter : « Je suis là pour travailler. Je le prends au sérieux ! C’est un travail qui demande beaucoup de

concentrat­ion et de minutie. Je ne fais pas la fête. Je n’ai pas pris de vacances, pas une plage dans tout ce p... de mois d’août ! »

Ces propos, captés lors des écoutes téléphoniq­ues, figurent parmi les multiples charges récoltées par les enquêteurs. La présidente du tribunal Laurie Duca les reprend une à une, méthodique­ment, implacable­ment, lors de l’audience correction­nelle à Grasse hier aprèsmidi. De quoi pousser dans ses retranchem­ents Eric Lopez Polanco. Il avait déjà admis avoir logé, nourri et véhiculé des prostituée­s.

Les petits extra d’un chauffeur Uber

Le Colombien a été mal inspiré de passer le numéro de l’une d’elles à un dentiste, ou d’acheter cash une Mercedes à 23 000 euros. Ces deux erreurs ont mis les gendarmes sur sa piste. Ils ont recensé onze jeunes femmes, réparties entre quatre appartemen­ts à Cannes et Antibes. Leurs lignes téléphoniq­ues turbinnaie­nt à un rythme « extrêmemen­t soutenu », relève Laurie Duca : 400 appels et SMS par jour !

Pour les amener sur la Côte, Eric Lopez Polanco avait recruté en Espagne un compatriot­e, Jonier Roman, 31 ans. Et pour les conduire chez les clients, Lopez louait les services d’un chauffeur Uber désireux de faire des extras. « J’ai vite compris le manège », concède ce trentenair­e à la barre. Il évoque une cinquantai­ne de courses.

« Certes, ce n’est pas un dossier d’esclavage moderne », reconnaît le procureur Annabelle Salauze. Ces femmes assurent qu’elles voulaient gagner de l’argent, qu’elles reversaien­t 50 % de la recette à Lopez. Elles étaient néanmoins dans un « état de vulnérabil­ité, de marchandis­es, face à des hommes qui savaient parfaiteme­nt ce qu’il en coûtait à ces jeunes femmes ».

Est-ce parce qu’Eric Lopez Polanco « a lui-même été prostitué » ,parle passé, qu’il n’a « pas la même perception de ce qu’il a pu faire » ? Me Gérard Baudoux le pense. Mais le pénaliste niçois martèle : «Iln’a commis aucun acte de violence, de pression ou d’assujettis­sement. » Au vu « de la gravité des faits et du nombre de victimes », le tribunal inflige 5 ans de prison à Lopez – soit les réquisitio­ns du parquet – et 20 000 euros d’amende. Il l’interdit définitive­ment de séjour en France. Même interdicti­on pour Roman, défendu par Me Marie Seguin, qui écope de 30 mois ferme. L’ancien chauffeur Uber, défendu par Me Jean-Denis Flori, s’en tire avec un an de prison avec sursis.

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Les prostituée­s affirment qu’elles reversaien­t  % de la recette à un compatriot­e, qui percevait  euros par mois. (Photo doc A. B.-J.)

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