Nice-Matin (Cannes)

Notre avis

- PHILIPPE DUPUY

Pas facile d’être une femme au XVIIIe siècle ! Mère et veuve (Valeria Golino) il vous faut trouver un bon parti à votre fille pour assurer vos vieux jours. Jeune et jolie bourgeoise (Adèle Haenel), vous êtes juste bonne à marier. Servante et enceinte de votre premier amant (Luana Bajrami), il vous faudra cacher votre condition à la patronne et recourir aux services d’une faiseuse d’ange pendant son absence. Artiste de talent (Noémie Merlant), les grands motifs vous seront interdits, car aucun homme ne voudra poser pour vous. Vous serez condamnée à enseigner (à d’autres femmes) et à effectuer des portraits de commande… Peintre de la condition féminine (La Naissance des pieuvres, Tomboy, Bande de filles), Céline Sciamma brosse ce double portrait de femmes en une série de croquis flamboyant­s. Elle filme le trouble féminin, les regards et les soupirs comme personne. Son film à la beauté formelle d’une toile de maître, la sûreté d’une esquisse au fusain et le charme excitant d’un nu érotique. Adèle Haenel, que la réalisatri­ce avait révélée dans La Naissance des pieuvres, est une fois de plus prodigieus­e. Après Curiosa de Lou Jeunet et Les Drapeaux rouges de Nathan Ambrosioni, Noémie Merlant confirme qu’elle est une des valeurs montantes du cinéma français. Toutes les deux méritaient un prix d’interpréta­tion féminine ex aequo à Cannes, où le film était en compétitio­n. Le jury a préféré décerner au film un prix du scénario qui consacre, certes, sa portée militante, mais minore sa beauté formelle et sa profondeur émotionnel­le. Répétons le donc : Portrait de la jeune fille en feu est l’un des plus beaux films que vous pourrez voir cette année. Tout simplement.

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