Nice-Matin (Cannes)

Sainte-Anne du Suquet, première église paroissial­e de la cité

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Rerouvez aujourd’hui la rubrique historique de Corinne Julien Bottoni. L’occasion de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos anciens. Un récit hebdomadai­re méticuleux, agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.

L’église de Cannes est mentionnée pour la première fois en 1113, sous le nom de « ecclesiam de Cannis », parmi les biens que l’évêque Manfroi restitue à l’abbé de Lérins, Pierre 1er. Aucun document ne nous informe sur la date précise de sa constructi­on. Il faut rappeler toutefois que dès 1088, l’abbé Aldebert II commence l’édificatio­n d’une tour, achevée deux cents ans plus tard. L’église du prieuré est alors englobée dans le château érigé par les abbés de Lérins, au sommet du Suquet. Elle tient lieu d’église paroissial­e. Cette situation est d’ailleurs source de conflits entre les moines et les habitants qui souhaitent la présence d’un prêtre séculier. Des querelles qui ne prendront fin qu’au milieu du XVIIe siècle, quand sera édifié, à proximité de la précédente, le lieu cultuel dédié à Notre-Dame d’Espérance.

Laissée à l’abandon dès la constructi­on de la nouvelle église

Nous ne savons rien de l’église des moines placée sous le vocable de Notre-Dame du Puy (du mot latin, podium, signifiant promontoir­e), une tradition douteuse raconte que le connétable de Bourbon, retranché à Cannes en 1524, aurait transformé le sanctuaire, en ouvrage défensif, en établissan­t une terrasse crénelée au-dessus des voûtes. L’invasion des Impériaux sous Charles-Quint en 1536, puis les guerres de religion, expliquent l’état déplorable de l’édifice au début du XVIIe siècle.

En 1617, au cours d’une visite pastorale, Monseigneu­r de Boucicault, évêque de Grasse déclare cette église « trop petite pour la population qui s’élève à quatre mille âmes. » Son successeur, Mgr de Villeneuve mentionne « l’ancienne tour qui sert de clocher, plusieurs autels à l’intérieur de l’église, dont celui de Sainte-Anne. » Il raconte aussi « qu’il n’a pu monter dans le clocher car il n’y existe que des échelles en pierre et bois. » L’abandon total du monument date de l648, époque où est érigée la nouvelle église paroissial­e. Les habitants ne se soucient pas de ce que l’on appelle alors la chapelle Sainte-Anne et de son côté, l’abbaye de Lérins, en pleine décadence, ne peut l’entretenir. Une situation qui ne cesse d’empirer au fil du temps. Des enfants jettent des pierres sur le toit, depuis la terrasse du château, pour s’amuser à casser des tuiles. En 1731, un maçon de Grasse précise que «la chapelle est presque en ruine et qu’il y pleut comme dans la rue » !

La sécularisa­tion de l’abbaye, en 1787, puis la Révolution, n’arrangent pas les choses. Il faudra attendre le classement de la chapelle, le 28 juillet 1937, pour que l’on envisage enfin une restaurati­on complète. Les travaux ont pour résultat le dégagement des créneaux, leur reconstruc­tion, l’enlèvement de la toiture moderne et du massif de maçonnerie. La chapelle est alors surmontée d’une toiture à deux pans, couverte de tuiles.

Le château, partiellem­ent détruit, vendu comme bien national devient, en 1878, une manufactur­e de céramique « La faïencerie d’art du Mont-Chevalier. » En 1919, la commune de Cannes y installe un musée. La chapelle devient la salle d'exposition des instrument­s de musique du monde.

Un magnifique vestige roman

Intégrée à l'enceinte du château de la Castre, bien orientée, l’église comprend un vaisseau unique de quatre travées. Le choeur de cette nef unique se termine par une abside en hémicycle.

La longueur exceptionn­elle de 28 mètres pour 6 mètres de large s’explique par le fait que le monument servait du côté Nord, de courtine au château bâti au XIIème siècle par les moines de Lérins. Il faut aussi savoir que le vaisseau a été allongé dans un second temps. Le voûtement est un berceau légèrement brisé. La nef est éclairée à l’Est par une étroite baie ébrasée. Comme à Grasse, aucun contrefort n’épaule la voûte de la nef. On remarque le sous-bassement d’un clocher-arcade, mais le véritable clocher est la tour carrée. Cette dernière, contribue à la fière allure du vieux chevet. La simplicité de l’architectu­re ne permet pas d’attribuer l’église à un courant particulie­r. Cependant, les caractères de la sculpture la rattachent plutôt à l’art alpestre.

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Le chevet de la chapelle Sainte-Anne hier et aujourd’hui.
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(Photos DR et P.L.)
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