« S’il faut aider les bergers face au loup, on le fera »
La saison de la chasse est ouverte depuis le 8 septembre pour les 7 000 chasseurs azuréens. Le président de leur fédération, Jean-Pierre Caujolle, met en garde contre l’impact des attaques
Àchaque rentrée, ils sont dans le viseur des défenseurs de la cause animale. L’an dernier, les polémiques avaient atteint leur paroxysme : Nicolas Hulot venait de claquer la porte de son ministère en fustigeant l’influence des lobbys pro-chasse, tandis que les chasseurs s’auto-proclamaient « premiers écolos de France » dans un slogan controversé. Dimanche septembre, une nouvelle saison s’est ouverte pour les chasseurs des Alpes-Maritimes – elle l’est dans toute la France depuis le septembre. Jean-Pierre Caujolle, président de la Fédération départementale de la chasse, monte à nouveau en première ligne pour défendre les chasseurs et répondre à leurs détracteurs. Au risque d’essuyer le feu nourri de critiques des mouvements animalistes.
Les chasseurs font-ils leur rentrée sous pression ?
Nous sommes toujours un peu sous pression de la part de certains milieux extrémistes. Il n’y a qu’à voir les vegans avec les bouchers, ou les sabotages de miradors de battues...
Des sabotages ?
La fédération offre ces miradors aux sociétés de chasse en zone périurbaine, justement pour éviter les problèmes avec les promeneurs. Soit ils les détruisent, soit ils les scient pour que les chasseurs se cassent la figure ! Il règne une forme d’impunité. Il n’y a qu’à voir la haine qui se déverse sur les réseaux sociaux… Mais ce n’est pas spécialement anti-chasse. C’est la société en général.
Les épisodes de sécheresse et de canicule ont-ils affecté la faune sauvage ?
La sécheresse n’était pas si intense que cela, ce qui a permis une bonne reproduction du petit gibier de montagne : tétras-lyres, bartavelles… En revanche, il va falloir être prudent avec la reproduction des sangliers. Cette année, elle devrait être correcte. Donc il devrait y avoir des dégâts sur les propriétés et chez les agriculteurs.
Dans quelle mesure êtes-vous en mesure de veiller au grain ?
L’an dernier, nous n’avions tué que sangliers, contre en . Notre logiciel Retriever permet de transmettre les tableaux après une chasse. Si on voit que le nombre de sangliers explose, il faudra
prévenir les chasseurs.
Il faut veiller à ne pas laisser exploser leur population. S’ils sont hors de contrôle, ils causent trop de dégâts à nos amis agriculteurs.
Au risque de susciter des réactions épidermiques, comme ce villageois qui a tiré sur des sangliers à Châteauneuf-Villevieille ?
Nous allons nous constituer partie civile dans ce dossier. Quand on a des dégâts sur un jardin, la procédure prévoit de faire appel à un lieutenant de louveterie, habilité à tirer au milieu des maisons. Un chasseur n’a pas le droit de chasser à moins de mètres d’une maison. Sinon, c’est trop dangereux. Ce monsieur est un grand malade ! D’ailleurs ce n’est pas un chasseur...
Vous évoquiez un logiciel. Où en est le chantier de modernisation numérique impulsé par la Fédération nationale de la chasse ?
Nous sommes en train de mettre en place le logiciel ChassAdapt, qui remplace les carnets de chasse. Pour le grand gibier, c’est facile : la fédération distribue des bracelets. Mais ce n’est pas possible pour les oiseaux. Il faut donc les recenser sur un logiciel. ChassAdapt va être mis en place pour les tourterelles et les bécasses, et nous permettra d’être beaucoup plus réactifs.
Quid de ces applis visant à signaler aux promeneurs la présence de chasseurs ?
Nous sommes en train de tester ces logiciels. Les premiers permettaient de connaître l’emplacement des chasseurs. Mais ce qu’il faut éviter, c’est recenser les battues pour éviter qu’un promeneur se retrouve au milieu. Ces logiciels sont en train de s’adapter.
Quand vous voyez des bergers des Hautes-Alpes prendre les armes face au loup, êtes-vous prêts à leur prêter main-forte ?
Nous, chasseurs, nous sommes d’accord pour défendre les bergers. C’est une évidence. Mais je n’ai pas à intervenir dans des parcs nationaux. Les loups, il y en a sans doute bien plus qu’on ne le dit. Le quota fixé par le ministre de l’Ecologie cette année ( loups tués, dont dans les Alpes-Maritimes) a déjà été atteint. C’est deux fois plus qu’en . Désormais, les troupeaux sont livrés à eux-mêmes ! Les bergers ont du souci à se faire... S’il faut aider, on le fera.
L’impact du loup est-il de plus en plus criant ?
Il faut être très vigilant sur certains animaux de la grande faune, car le loup est en train de peser sur la faune sauvage. Quand les moutons s’en vont après l’estive, les loups se reportent sur les chevreuils et les mouflons. Nous sommes aussi très vigilants face aux risques d’attaques de chamois et de cerfs. Si le loup est affamé, il pourrait même y avoir des incidents avec les humains, comme on a pu le voir aux EtatsUnis ou en Russie... Même si on n’en est pas là.
Vous considérez-vous toujours comme les « premiers écologistes de France » ?
Des écologistes, il y en a beaucoup, mais j’aimerais bien voir les chiffres de leurs investissements ! Chaque année, notre fédération investit sur des programmes de protection de la biodiversité. Quand nous avons des excédents, nous aidons les communes à porter des projets Natura . Nous investissons euros par an pour l’aménagement des milieux forestiers, nous remettons en culture les champs abandonnés...
Observez-vous la montée en puissance du tourisme cynégétique, avec des gens qui partent davantage se promener que tirer ?
C’était une volonté du président de la République en abaissant le prix du permis national de à euros : permettre à des citadins d’aller partout. Le tourisme cynégétique peut générer de gros profits pour nos territoires ruraux.
La baisse du prix du permis a-t-elle suscité une hausse des vocations ?
Nous sommes restés sur les mêmes bases, environ chasseurs dans les AlpesMaritimes. Mais % des gens ont pris un permis national plutôt que départemental. D’habitude, ils n’étaient que à %. Le corollaire, c’est que nous perdons une grande partie des sommes allouées aux indemnisations des dégâts liés à la faune sauvage.
Une association, l’Aspas, dénonce la chasse en enclos. Une telle pratique n’est-elle pas aberrante et en décalage complet avec notre époque ?
Il existe malheureusement quelques chasses commerciales. Ce n’est pas particulièrement brillant d’aller tuer des animaux dans un enclos, c’est une évidence... Mais la plupart y vont pour entraîner leurs chiens. On ne peut rien faire, ce sont des propriétés privées. Actuellement, la Sologne est en train de se clôturer pour que les gens fassent des usines à sangliers ou à grand gibier. Mais ça, ce n’est pas la chasse, ce n’est pas notre éthique ! Ce sont deux populations différentes qui, souvent, ne se côtoient pas.
‘‘ Les troupeaux sont livrés à eux-mêmes”
‘‘ Tuer des animaux en enclos, ce n’est pas ça la chasse !”
Les chasseurs battront-ils la campagne municipale ?
Comme nous sommes de milieux sociologiques et de sensibilités politiques différentes, nous n’aimons pas trop nous engager dans les campagnes politiques. D’ailleurs, nous n’avions pas donné d’instructions pour les européennes. Les seules que l’on donne, c’est d’avoir des élus qui ne soient pas anti-chasse.