Nice-Matin (Cannes)

« S’il faut aider les bergers face au loup, on le fera »

La saison de la chasse est ouverte depuis le 8 septembre pour les 7 000 chasseurs azuréens. Le président de leur fédération, Jean-Pierre Caujolle, met en garde contre l’impact des attaques

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Àchaque rentrée, ils sont dans le viseur des défenseurs de la cause animale. L’an dernier, les polémiques avaient atteint leur paroxysme : Nicolas Hulot venait de claquer la porte de son ministère en fustigeant l’influence des lobbys pro-chasse, tandis que les chasseurs s’auto-proclamaie­nt « premiers écolos de France » dans un slogan controvers­é. Dimanche  septembre, une nouvelle saison s’est ouverte pour les   chasseurs des Alpes-Maritimes – elle l’est dans toute la France depuis le  septembre. Jean-Pierre Caujolle, président de la Fédération départemen­tale de la chasse, monte à nouveau en première ligne pour défendre les chasseurs et répondre à leurs détracteur­s. Au risque d’essuyer le feu nourri de critiques des mouvements animaliste­s.

Les chasseurs font-ils leur rentrée sous pression ?

Nous sommes toujours un peu sous pression de la part de certains milieux extrémiste­s. Il n’y a qu’à voir les vegans avec les bouchers, ou les sabotages de miradors de battues...

Des sabotages ?

La fédération offre ces miradors aux sociétés de chasse en zone périurbain­e, justement pour éviter les problèmes avec les promeneurs. Soit ils les détruisent, soit ils les scient pour que les chasseurs se cassent la figure ! Il règne une forme d’impunité. Il n’y a qu’à voir la haine qui se déverse sur les réseaux sociaux… Mais ce n’est pas spécialeme­nt anti-chasse. C’est la société en général.

Les épisodes de sécheresse et de canicule ont-ils affecté la faune sauvage ?

La sécheresse n’était pas si intense que cela, ce qui a permis une bonne reproducti­on du petit gibier de montagne : tétras-lyres, bartavelle­s… En revanche, il va falloir être prudent avec la reproducti­on des sangliers. Cette année, elle devrait être correcte. Donc il devrait y avoir des dégâts sur les propriétés et chez les agriculteu­rs.

Dans quelle mesure êtes-vous en mesure de veiller au grain ?

L’an dernier, nous n’avions tué que   sangliers, contre   en . Notre logiciel Retriever permet de transmettr­e les tableaux après une chasse. Si on voit que le nombre de sangliers explose, il faudra

prévenir les chasseurs.

Il faut veiller à ne pas laisser exploser leur population. S’ils sont hors de contrôle, ils causent trop de dégâts à nos amis agriculteu­rs.

Au risque de susciter des réactions épidermiqu­es, comme ce villageois qui a tiré sur des sangliers à Châteauneu­f-Villevieil­le ?

Nous allons nous constituer partie civile dans ce dossier. Quand on a des dégâts sur un jardin, la procédure prévoit de faire appel à un lieutenant de louveterie, habilité à tirer au milieu des maisons. Un chasseur n’a pas le droit de chasser à moins de  mètres d’une maison. Sinon, c’est trop dangereux. Ce monsieur est un grand malade ! D’ailleurs ce n’est pas un chasseur...

Vous évoquiez un logiciel. Où en est le chantier de modernisat­ion numérique impulsé par la Fédération nationale de la chasse ?

Nous sommes en train de mettre en place le logiciel ChassAdapt, qui remplace les carnets de chasse. Pour le grand gibier, c’est facile : la fédération distribue des bracelets. Mais ce n’est pas possible pour les oiseaux. Il faut donc les recenser sur un logiciel. ChassAdapt va être mis en place pour les tourterell­es et les bécasses, et nous permettra d’être beaucoup plus réactifs.

Quid de ces applis visant à signaler aux promeneurs la présence de chasseurs ?

Nous sommes en train de tester ces logiciels. Les premiers permettaie­nt de connaître l’emplacemen­t des chasseurs. Mais ce qu’il faut éviter, c’est recenser les battues pour éviter qu’un promeneur se retrouve au milieu. Ces logiciels sont en train de s’adapter.

Quand vous voyez des bergers des Hautes-Alpes prendre les armes face au loup, êtes-vous prêts à leur prêter main-forte ?

Nous, chasseurs, nous sommes d’accord pour défendre les bergers. C’est une évidence. Mais je n’ai pas à intervenir dans des parcs nationaux. Les loups, il y en a sans doute bien plus qu’on ne le dit. Le quota fixé par le ministre de l’Ecologie cette année ( loups tués, dont  dans les Alpes-Maritimes) a déjà été atteint. C’est deux fois plus qu’en . Désormais, les troupeaux sont livrés à eux-mêmes ! Les bergers ont du souci à se faire... S’il faut aider, on le fera.

L’impact du loup est-il de plus en plus criant ?

Il faut être très vigilant sur certains animaux de la grande faune, car le loup est en train de peser sur la faune sauvage. Quand les moutons s’en vont après l’estive, les loups se reportent sur les chevreuils et les mouflons. Nous sommes aussi très vigilants face aux risques d’attaques de chamois et de cerfs. Si le loup est affamé, il pourrait même y avoir des incidents avec les humains, comme on a pu le voir aux EtatsUnis ou en Russie... Même si on n’en est pas là.

Vous considérez-vous toujours comme les « premiers écologiste­s de France » ?

Des écologiste­s, il y en a beaucoup, mais j’aimerais bien voir les chiffres de leurs investisse­ments ! Chaque année, notre fédération investit sur des programmes de protection de la biodiversi­té. Quand nous avons des excédents, nous aidons les communes à porter des projets Natura . Nous investisso­ns   euros par an pour l’aménagemen­t des milieux forestiers, nous remettons en culture les champs abandonnés...

Observez-vous la montée en puissance du tourisme cynégétiqu­e, avec des gens qui partent davantage se promener que tirer ?

C’était une volonté du président de la République en abaissant le prix du permis national de  à  euros : permettre à des citadins d’aller partout. Le tourisme cynégétiqu­e peut générer de gros profits pour nos territoire­s ruraux.

La baisse du prix du permis a-t-elle suscité une hausse des vocations ?

Nous sommes restés sur les mêmes bases, environ  chasseurs dans les AlpesMarit­imes. Mais  % des gens ont pris un permis national plutôt que départemen­tal. D’habitude, ils n’étaient que  à  %. Le corollaire, c’est que nous perdons une grande partie des sommes allouées aux indemnisat­ions des dégâts liés à la faune sauvage.

Une associatio­n, l’Aspas, dénonce la chasse en enclos. Une telle pratique n’est-elle pas aberrante et en décalage complet avec notre époque ?

Il existe malheureus­ement quelques chasses commercial­es. Ce n’est pas particuliè­rement brillant d’aller tuer des animaux dans un enclos, c’est une évidence... Mais la plupart y vont pour entraîner leurs chiens. On ne peut rien faire, ce sont des propriétés privées. Actuelleme­nt, la Sologne est en train de se clôturer pour que les gens fassent des usines à sangliers ou à grand gibier. Mais ça, ce n’est pas la chasse, ce n’est pas notre éthique ! Ce sont deux population­s différente­s qui, souvent, ne se côtoient pas.

‘‘ Les troupeaux sont livrés à eux-mêmes”

‘‘ Tuer des animaux en enclos, ce n’est pas ça la chasse !”

Les chasseurs battront-ils la campagne municipale ?

Comme nous sommes de milieux sociologiq­ues et de sensibilit­és politiques différente­s, nous n’aimons pas trop nous engager dans les campagnes politiques. D’ailleurs, nous n’avions pas donné d’instructio­ns pour les européenne­s. Les seules que l’on donne, c’est d’avoir des élus qui ne soient pas anti-chasse.

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(DR) Jean-Pierre Caujolle (à gauche) représente les chasseurs des Alpes-Maritimes depuis .

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