Avec Le prédateur, Yvan Tetelbom quitte la poésie pour le récit
Poète, interprète, magicien des mots et des idées et ancien adjoint à la culture, Yvan Tetelbom prend une nouvelle voie en devenant écrivain. Il sera présent au Festival du livre de Mouans-Sartoux où il dédicacera son ouvrage le 4 octobre.
Pourquoi écrire un récittémoignage, vous qui jusque-là ne vous étiez exprimé que par la poésie ?
Parce que la poésie qui a constitué jusque-là mon univers et m’a permis de survivre et d’être vivant ne dit pas tout. Elle suggère. Elle lance des alertes. Encore faut-il la décrypter et comprendre ce qui s’en dégage en fonction de son caractère, de sa propre réflexion. Le poète dépose des messages personnels qui restent pudiques. Tandis que le récittémoignage est un art vivant où la parole se libère, énonce des faits, quitte à choquer, dénonce les injustices, clame une innocence et brandit une révolte. C’était l’heure pour moi de livrer ce récit. Il est la somme de mes expériences, une manière de tirer des leçons des épreuves que j’ai subi. Il est une libération et une manière de mieux me connaître. C’est votre histoire ?
Oui. Celle d’un enfant insouciant, émerveillé par la vie, et soudain figé dans son élan par la destruction de son innocence et projeté dans un monde trop dur pour lui. À la suite d’une agression sexuelle subie de la part d’un proche, j’ai suivi un chemin d’errance et de solitude au cours duquel j’ai été confronté à la violence de la guerre d’Algérie, à la douleur de l’exil, à la brutalité de l’antisémitisme, au piège de l’illusion, à l’âpreté du monde politique et carcéral, à la mort, au sexe, à l’amour, à la culpabilité. Ces événements douloureux et lancinants enfouis au plus profond de moi-même pendant ans, j’ai eu envie de les livrer aux autres. C’était comme un appel intérieur pour exiger la vérité et briser la voix du silence.
C’est aussi un livre militant ?
Certainement car au-delà de cette libération personnelle, de cette thérapie que je veux offrir aux autres, je souhaite favoriser l’émergence de la parole et me battre pour que le délai de prescription sur de tels actes soit modifié. Ce livre, écrit pour une grande part à Vallauris sur une table du café Le Provençal à raison de quinze heures par jour pendant un an, signe aussi mon entrée en littérature.