Nice-Matin (Cannes)

Alexia Barrier, nouvelle “fiançée” des océans ?

L’histoire est déjà belle, avec ce petit bout de femme capable de défier, sans peur, les éléments. Mais c’est “l’Everest des courses au large”, le Vendée Globe, qui désormais occupe toutes ses pensées

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE HERBET pherbet@nicematin.fr

Dans moins d’une semaine, elle changera de cap. En franchissa­nt la quarantain­e… qu’on lui souhaite rugissante ! Après avoir mené à bon port, au Brésil, et en 25e position de la flotte Imoca, son vieux et fidèle destrier.

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À l’issue d’une Transat en double, dont la Biotoise a partagé les multiples péripéties (ah, ce vachard Pot-auNoir et ce Golfe de Gascogne toujours aussi piégeux…) avec l’Irlandaise Joan Mulloy. Le seul binôme 100 % féminin, sur cette édition, en a quand même laissé quelques-uns, derrière, “admirer” l’écume laissée à la poupe du 4myplanet . Mais cette Jacques-Vabre n’était qu’un test de plus. Une “mise en bouche”, avant le défi de toute une vie : le Vendée, la course en solitaire, sans escale et sans assistance, la plus mythique au monde. Et le saint Graal pour tout marin attiré par les défis au grand large…

Alexia, comment allez-vous après cette traversée ?

Super ! Au Brésil, les gens sont franchemen­t adorables. Et puis, j’ai pu me reposer un peu, avant de revenir en France (retour programmé lundi dernier, NDLR). Les préparateu­rs devraient ramener le bateau la semaine prochaine, mais vont pouvoir déjà commencer à travailler sur ce qui n’a pas fonctionné. Sur cette Jacques-Vabre, on a notamment eu un problème d’anémomètre et d’indicateur de vent, ce qui a obligé à barrer pas mal et donc nous a puisé beaucoup d’énergie. Et puis, sans “casquette”, on était aussi exposées aux vagues. C’était parfois un peu compliqué, mais avec Joan, on est resté hypermotiv­ées, toujours dans la bonne humeur. Même quand la fatigue prenait le dessus, on continuait à essayer de rigoler. Maintenant, sur cette course, on a donné tout ce que l’on pouvait pour faire marcher le bateau au mieux, même si on n’avait pas de voiles neuves et que la préparatio­n n’a pas forcément été la plus efficace et performant­e.

Vous laissez, malgré tout, des bateaux de génération plus récente derrière vous…

Oui, c’est le côté positif et c’est aussi encouragea­nt dans l’optique du Vendée, où il y aura une course dans la course, avec les “vieux” bateaux d’un côté, et les plus récents de l’autre. Et l’idée, c’est de finir en tête de cette flotte. Du coup, j’ai déjà établi un cahier des charges pour fiabiliser et améliorer encore les performanc­es du MyPlanet. Malheureus­ement, on n’a toujours pas de budget. C’est donc mon prochain défi, ma prochaine “course” afin que je puisse trouver l’argent nécessaire à un beau chantier de trois mois et avoir ainsi un bateau tip-top pour le Vendée.

Revenons à cette Jacques-Vabre, quels ont été les moments les plus compliqués ?

Clairement, c’était le Pot-au-Noir. Je l’ai souvent franchi, mais c’est la première fois où il était aussi dense et actif. Chaque jour, je disais à Joan :

‘‘

On sera prêt pour la grande aventure”

« Demain, c’est fini ! ».

Et puis non, ce n’était pas le cas ! Ça a duré au moins trois jours, avec un système de nuages qui apportait des vents assez violents. Par contre, on ne s’est jamais vraiment arrêtées, même si, sans indicateur de vent, c’était compliqué d’anticiper.

Ce duo avec Joan Mulloy, en tout cas, a semble-t-il bien fonctionné…

Je la connaissai­s depuis un petit moment, puisqu’elle était sur le circuit Figaro et qu’elle avait aussi participé, l’an dernier, au Monaco Globe series en Imoca. Alors quand elle m’a demandé s’il y avait de la place à bord de mon bateau pour cette JacquesVab­re, je n’ai pas hésité. Elle a un gros tempéramen­t, est très motivée et enthousias­te. C’était la première fois qu’elle passait l’Equateur, et seulement sa deuxième transatlan­tique, mais elle avait très envie et s’est donnée à fond durant toute la course. Je pense qu’elle a beaucoup appris pendant cette traversée, mais moi aussi, j’ai beaucoup appris d’elle. Elle est assez calée sur tout ce qui est logiciels de navigation, et j’ai pu intégrer, grâce à elle, quelques petites astuces sur l’ordinateur. Au-delà, humainemen­t, on était très complément­aires. Malgré la fatigue, on s’est toujours épaulées. En fait, contrairem­ent, peut-être, aux garçons, on n’avait rien à se prouver l’une à l’autre. Oui, c’est une belle rencontre et un beau moment de partage…

Le bateau, aussi, n’a pas déçu…

Oui, il fonctionne bien. Mais sans vouloir nous vanter, on a aussi tiré les bons bords. Je pense qu’on a fait le moins de milles nautiques, puisque le plus souvent, on était sur la route directe. Et, surtout, on n’a pas commis d’erreurs stratégiqu­es.

Prochain objectif : le Vendée Globe.

Et ça va arriver très vite ?

C’est fou ! On est à moins d’un an avant le départ du Vendée. Effectivem­ent, tout va s’enchaîner très, très vite. Dès que le bateau rentre en France, on va le mettre en chantier à Concarneau, pendant trois mois, et ensuite, on va reprendre les entraîneme­nts. Il y aura aussi deux transatlan­tiques en solitaire jusqu’aux ÉtatsUnis, en mai-juin. Et puis, on va essayer, aussi, de revenir en Méditerran­ée et de faire visiter le bateau aux enfants, comme on aime le faire. Après, on repartira aux Sables d’Olonnes pour un dernier petit check-up. J’espère qu’à ce moment-là, tout sera fiabilisé. Mais, en tout cas, on sera prêt pour la grande aventure… (1). 4MyPlanet, l’ancien bateau de Catherine Chabaud, était, sur cette Route du Café, le plus ancien de la flotte Imoca.

 ?? (Photos Jean-Marie Liot et Facebook/Alexia Sailing Team) ?? Alexia Barrier et Joan Mulloy heureuses à leur arrivée à Salvador de Bahia sur myplanet.
(Photos Jean-Marie Liot et Facebook/Alexia Sailing Team) Alexia Barrier et Joan Mulloy heureuses à leur arrivée à Salvador de Bahia sur myplanet.
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