Nice-Matin (Cannes)

« J’ai revu le même film passer devant mes yeux »

Echouée avec ses deux enfants, une mère de famille a trouvé refuge, hier, au centre d’accueil ouvert par la Croix-Rouge d’Antibes. Le traumatism­e vécu en 2015 s’est réveillé avec vigueur

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Sa maison ? Elle ne veut plus y mettre un seul pied (1). Catégoriqu­e, cette mère de famille d’Antibes subit le contrecoup des heures d’angoisse, hier matin. Accueillie avec ses petits de 5 et 7 ans à la maison des associatio­ns du chemin Saint-Claude transformé en centre d’accueil (voir encadré), elle peine à reprendre son souffle. En apnée, elle retrace les dernières heures qui l’ont conduite à trouver refuge aux côtés des équipes de la Croix Rouge : « J’habite en face du camping des Embruns. Samedi, en fin d’après-midi, je revenais avec les enfants d’un anniversai­re au Royal Kids. C’est en tournant que j’ai vu les policiers, les gyrophares... » Elle fronce les sourcils. Tire sur une des manches de son pull. « En revoyant cette scène, j’avais l’impression d’être à nouveau il y a quatre ans. » En évoquant cet insupporta­ble souvenir, elle refrène des hoquetteme­nts, prend son visage entre ses mains.

Puis souffle.

Le 3 octobre 2015 elle était déjà là:« Nous avions eu un mètre soixante-quinze d’eau chez nous. Vous savez ce qui nous a sauvé la vie ? Une table en bois très lourd. Nous étions dessus, à côté d’une fenêtre. Dans l’attente des secours. » Image après image, la jeune femme décrit le froid, l’effroi. Un sauvetage traumatisa­nt. « Mes enfants n’ont pas été mis à l’abri au même endroit. Je ne savais pas où ils étaient... » Le noir complet. La panique. Des lumières bleues. Des couverture­s de survie dorées. Des visages qu’elle scrute avec avidité, appréhensi­on. Ses cris. Déchirants. « Où sont mes enfants ? Où sont mes enfants ? » Et enfin la lueur d’espoir dans ce bourbier dantesque : « Mon petit garçon m’a reconnue de loin. Ensuite, on a pu retrouver ma petite fille. »

Alors, samedi, lorsque cette mère de famille s’est retrouvée projetée quatre ans en arrière, la crainte n’a pu que la gagner. Si, contrainte, elle a dû se trouver une chambre d’hôtel pour passer la nuit au sec, elle a pu être enfin dirigée vers le centre d’accueil antibois. Et prise en charge avec ses amours. Qui, malgré leur jeune âge, portent eux aussi les stigmates de cette expérience : « Les bénévoles nous ont servi un petit-déjeuner. Ma fille a fait déborder le lait de son bol. Exprès. Je lui ai demandé pourquoi elle faisait ça. Elle m’a répondu que c’était comme notre maison. » Immense

soupir. Sourire tendre et inquiet : « Il va y avoir du boulot. Je le sais. »

Elle se reprend : « Je n’ai plus la force que j’avais en 2015. Depuis, quelque chose a changé. » Une cicatrice à vif, un morceau effrité, un pan fissuré. Reconnaiss­ant avoir besoin d’aide, la maman sait qu’il va falloir du temps pour se reconstrui­re. « Mais ce sera ailleurs. Pas ici. Je ne veux pas emmener à nouveau mes enfants là-bas. C’est fini. »

1. Hier, les services de la Ville ainsi que le CCAS ont été activés afin de trouver une solution de relogement à cette famille.

 ??  ?? Dans le secteur antibois de la Brague, samedi, le cours d’eau est sorti de son lit, inondant les riverains. (Photo Eric Ottino)
Dans le secteur antibois de la Brague, samedi, le cours d’eau est sorti de son lit, inondant les riverains. (Photo Eric Ottino)

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