Retraites : derniers face-à-face avant la grève du décembre
Syndicats et patronat se succèdent à Matignon depuis hier matin pour discuter de la réforme des retraites, sans grand espoir de compromis avant la grève du 5 décembre, tandis que le gouvernement est convoqué en séminaire dimanche pour préparer l’épreuve de force. Alors qu’Edouard Philippe enchaînait les entretiens avec les partenaires sociaux, son entourage a fait savoir en début d’après-midi que l’ensemble du gouvernement participerait à cette réunion sur le dossier des retraites, afin de « caler la feuille de route ». « Le Premier ministre veut rappeler le sens de la réforme », mais aussi « fixer le calendrier au-delà du 5 décembre » et « revoir le plan pour limiter au maximum l’impact de la grève pour les Français », a expliqué cette source.
Un ordre du jour qu’appelait de ses voeux Geoffroy Roux de Bézieux, reçu en premier, hier matin, et qui a enjoint le gouvernement de « clarifier les choses » avant une mobilisation potentiellement massive et durable. Le président du Medef a dit s’attendre à « des difficultés » à partir du 5 décembre et a « demandé aux employeurs d’être bienveillants, notamment en région parisienne », tout comme la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui avait demandé samedi « aux chefs d’entreprises d’être compréhensifs avec leurs salariés » et de faciliter le recours au télétravail.
La crainte du patronat prend toutefois corps : lancé par les syndicats de la RATP et de la SNCF, l’appel à une grève reconductible contre la réforme des retraites a été rejoint par la CGT, FO, FSU et Solidaires, puis par des organisations d’Air France, d’EDF, d’avocats, de magistrats...
Fait rare, les cadres de la CFE-CGC ont appelé à manifester, et la CFTC a laissé ses syndicats libres de rallier le mouvement. Même la CFDT, qui soutient globalement la réforme, a laissé sa fédération cheminote déposer un préavis, avec l’espoir d’obtenir l’application de la « clause du grand-père » ,qui réserverait la réforme aux seuls futurs embauchés de la SNCF.
Les régimes spéciaux ciblés par Macron
En réponse, l’exécutif a durci le ton en ciblant les régimes spéciaux, qu’Emmanuel Macron juge « d’une autre époque ». Une partition reprise en choeur par Mme Buzyn, qui a pointé « des revendications très corporatistes » ,et par le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui a dénoncé « une mobilisation pour conserver des inégalités ». Matignon veut néanmoins montrer que « le dialogue social continue » et assure que ces deux journées de face-à-face ont pour but « de faire un point sur l’ensemble de la réforme ». Les discussions se sont poursuivies en fin de journée avec la CFDT, l’Unsa et Force ouvrière, avant de reprendre ce matin avec la CGT, l’U2P et la CFECGC. Dans la foulée, le Premier ministre, accompagné de la ministre des Solidarités Agnès Buzyn et du haut-commissaire aux retraites Jean-Paul
Delevoye, iront « débriefer les réactions des corps intermédiaires » et faire la « pédagogie » de la réforme des retraites auprès des députés de la majorité (LREM et MoDem). Les positions des uns et des autres sont cependant connues. Le leader de FO, Yves Veyrier, a ainsi prévenu qu’il viendrait « expliquer les raisons pour lesquelles (il est) contre un régime universel par points ».
« Une mobilisation très massive »
Quant au numéro un de la CGT, Philippe Martinez, il considère que «le président de la République essaye de diviser les Français », et a prédit une mobilisation « très massive », espérant qu’elle aille « bien au-delà des régimes spéciaux » et qu’elle dure « jusqu’à ce qu’on retire ce mauvais projet ».
Seul soutien de poids à la réforme, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, exhorte pour sa part l’exécutif à sortir de « l’ambiguïté » et répète son refus de toucher à la durée de cotisation ou l’âge de départ, faute de quoi il « appellera les salariés à se mobiliser ».