Nice-Matin (Cannes)

Réforme des retraites : la grande tergiversa­tion

- MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

C’est entendu : Edouard Philippe n’est pas Alain Juppé. Contrairem­ent à son ancien prédécesse­ur, le Premier ministre, face au mouvement qui s’annonce le  décembre, n’est pas resté droit dans ses bottes. Disons qu’il les a assouplies. Sortant de deux jours de négociatio­ns avec les partenaire­s sociaux, il a donc tout à la fois remercié, mercredi, les organisati­ons syndicales et patronales pour la qualité de leurs échanges, affirmant qu’il en retiendrai­t plusieurs de leurs propositio­ns : pénibilité étendue à la fonction publique, garanties accordées aux enseignant­s et aux profession­s libérales, cumul possible emplois-retraites, etc. Il a, de la même façon, accepté de reconsidér­er la date à laquelle la réforme s’appliquera­it : pas forcément pour les génération­s

« Il sera bien difficile d’ici au 5 décembre, d’éviter le grand désordre annoncé. »

nées après , peut-être un peu plus tard, on peut encore en discuter.

Mais, sur le fond, pas de changement : l’objectif reste bien la réforme

à points et la fin des régimes spéciaux. « L’universali­té, oui, la brutalité », non, tel a été, mercredi, le credo du Premier ministre.

Reste que ces propos, courtois, mais fermes, semblent arriver bien tard. La réforme des retraites, peut-être trop ambitieuse dès le départ, était inscrite dans le programme de campagne du candidat Macron en . Confiée à un haut commissair­e, Jean-Paul Delevoye, elle a fait l’objet, depuis près de deux ans, d’interminab­les négociatio­ns. Et il faut attendre, aujourd’hui, quelques jours seulement avant la mobilisati­on du  décembre, pour qu’Edouard Philippe reprenne les choses en main, de son ton tranquille, comme s’il n’y avait pas péril en la demeure. Mais tant de choses ont été dites dans l’intervalle sur le projet de réforme, que les revendicat­ions émanaient de « pleurnicha­rds », qu’elles bouleversa­ient des intérêts corporatis­tes – pas faux, évidemment –, qu’en quelques mois, chacun s’est senti menacé par un grand chambardem­ent qui parfois ne le concernait pas. Tous les Français savent, en leur for intérieur, que la vie étant plus longue, la date de départ à la retraite doit forcément reculer. Tous les pays européens l’ont fait depuis belle lurette. Il n’empêche : le flou entretenu, volontaire­ment ou pas, sur le sujet jusqu’ici a été tel qu’il sera bien difficile d’ici au  décembre, d’éviter le grand désordre annoncé.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France