Réforme des retraites : la grande tergiversation
C’est entendu : Edouard Philippe n’est pas Alain Juppé. Contrairement à son ancien prédécesseur, le Premier ministre, face au mouvement qui s’annonce le décembre, n’est pas resté droit dans ses bottes. Disons qu’il les a assouplies. Sortant de deux jours de négociations avec les partenaires sociaux, il a donc tout à la fois remercié, mercredi, les organisations syndicales et patronales pour la qualité de leurs échanges, affirmant qu’il en retiendrait plusieurs de leurs propositions : pénibilité étendue à la fonction publique, garanties accordées aux enseignants et aux professions libérales, cumul possible emplois-retraites, etc. Il a, de la même façon, accepté de reconsidérer la date à laquelle la réforme s’appliquerait : pas forcément pour les générations
« Il sera bien difficile d’ici au 5 décembre, d’éviter le grand désordre annoncé. »
nées après , peut-être un peu plus tard, on peut encore en discuter.
Mais, sur le fond, pas de changement : l’objectif reste bien la réforme
à points et la fin des régimes spéciaux. « L’universalité, oui, la brutalité », non, tel a été, mercredi, le credo du Premier ministre.
Reste que ces propos, courtois, mais fermes, semblent arriver bien tard. La réforme des retraites, peut-être trop ambitieuse dès le départ, était inscrite dans le programme de campagne du candidat Macron en . Confiée à un haut commissaire, Jean-Paul Delevoye, elle a fait l’objet, depuis près de deux ans, d’interminables négociations. Et il faut attendre, aujourd’hui, quelques jours seulement avant la mobilisation du décembre, pour qu’Edouard Philippe reprenne les choses en main, de son ton tranquille, comme s’il n’y avait pas péril en la demeure. Mais tant de choses ont été dites dans l’intervalle sur le projet de réforme, que les revendications émanaient de « pleurnichards », qu’elles bouleversaient des intérêts corporatistes – pas faux, évidemment –, qu’en quelques mois, chacun s’est senti menacé par un grand chambardement qui parfois ne le concernait pas. Tous les Français savent, en leur for intérieur, que la vie étant plus longue, la date de départ à la retraite doit forcément reculer. Tous les pays européens l’ont fait depuis belle lurette. Il n’empêche : le flou entretenu, volontairement ou pas, sur le sujet jusqu’ici a été tel qu’il sera bien difficile d’ici au décembre, d’éviter le grand désordre annoncé.