Nice-Matin (Cannes)

Ce vendredi qui rend fou

- THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

Je suis un peu comme vous, sans doute. Ce Black Friday à rallonge, et tout le tapage qui l’entoure, m’épuisent ! Y compris, dans mon propre journal, la profusion de pubs pour ce « vendredi fou », comme l’appellent les Québécois. Ces pubs contribuen­t toutefois à alimenter mon salaire et vont me permettre, accessoire­ment, de m’offrir la voiture qui m’attire. Eh oui ! L’hystérie sur la surconsomm­ation est empreinte de beaucoup d’hypocrisie. Elle en dit long sur nos contradict­ions du moment. La conscience écologiste n’a jamais été aussi vive. Dès lors qu’il s’agit de trier les déchets, manger un peu moins de viande ou s’astreindre à rouler plus doux, chacun est globalemen­t au rendez-vous. Mais le Français, nourri de Montaigne et de Rabelais, n’est pas encore mûr pour une écologie intégriste qui ferait de la frugalité choisie la quintessen­ce du bonheur. Ce n’est pas dans son ADN. La quête du plaisir, l’art de vivre, structuren­t notre société. Il y a, certes, beaucoup à médire sur la fièvre consuméris­te et les géants qui s’en gavent… Mais faire

« Ces jours-ci, ce ne sont pas les nantis qui courent les soldes. »

du Black Friday l’incarnatio­n du mal relève de la

fixette caricatura­le.

C’est aussi faire fi, bien aisément, de la question du pouvoir d’achat, dont on a pourtant tant causé depuis un an. Ces jours-ci, ce ne sont pas les nantis qui courent les soldes. Plutôt ceux pour qui un sou est un sou et qui trouvent là matière non à consommer plus, ils n’en ont pas les moyens, mais à en avoir davantage pour leur argent, à bourse égale. Les nouveaux standards économique­s, s’ils doivent gagner en vertu, présentent aussi des avantages. Le progrès n’est pas dans la nostalgie d’une France des épiceries de village, qui avait son charme mais également ses limites et qui ne ressuscite­ra jamais à l’identique. On peut toujours bisquer à l’infini que l’homme ne se repaisse pas de feuilles de salade et d’édifiantes lectures à l’ombre d’un chêne. Il est aussi envie, trivialité, matérialit­é. Si la survie de notre planète appelle à davantage de sobriété et de conscience, la moralisati­on à l’excès s’avère rarement la meilleure façon d’avancer. Les diktats et les outrances ne font pas tout. Cela vaut en matière d’écologie comme d’égalité des sexes.

Mais ça, c’est encore un autre débat…

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