Nice-Matin (Cannes)

Florence Giolitti : star 

Spécialist­e du 800 et du 1500 mètres, a brillé et a brûlé les pistes durant les années 80 où elle faisait tomber les records. On a retrouvé la Niçoise...

- PHILIPPE CAMPS

Hier, elle courait. Aujourd’hui, elle marche vite. Florence Giolitti n’a pas perdu ses semelles de vent. Malgré le temps qui passe, elle a la même silhouette, le même pas, la même allure. Dans les années , elle mettait de la grâce sur les pistes et du piment dans les courses. La Niçoise était la reine du meeting Nikaïa, la préférée du public azuréen. Tout le monde était à fond derrière la spécialist­e du demi-fond. Il y a quelques jours, elle est passée à NiceMatin. Histoire de se raconter. « Mais qui s’intéresse encore à moi ? », a-t-elle soufflé. Réponse : nous. Et tous ceux qui n’ont pas oublié cette athlète tout feu, tout flamme.

L’athlé et vous ?

C’est une vieille histoire. Elle est, aujourd’hui, terminée. J’ai tourné la page quand j’ai mis un terme à ma carrière. J’avais  ans. Je voulais vivre. L’athlétisme, c’est trop de contrainte­s, trop de sacrifices. J’ai donné toute ma jeunesse à ce sport. Arrêter a été une délivrance, une renaissanc­e.

Où avez-vous trouvé l’épanouisse­ment ?

Grâce à mon statut de sportive de haut niveau, j’ai pu passer le concours et devenir professeur des écoles. C’est un métier qui me plaît. Je m’occupe des CM et en parallèle, je suis directrice d’une école de six classes à La Gaude.

Votre vie aujourd’hui ?

J’habite à Saint-Jeannet. En deux pas, je suis dans la nature, à côté du Baou. Je marche tous les jours. C’est un besoin et un plaisir. Ma vie, c’est aussi mes enfants : Maxence,  ans, employé à la Fédération Monégasque de rugby et joueur à Monaco et Lisa,  ans, étudiante à Dauphine et... ex-finaliste des championna­ts de France cadettes de  m haies. Ma vie, c’est enfin mon travail auprès des enfants.

Comment êtes-vous venue à la course à pied ?

J’avais été détectée par le prof de sport du collège. A l’époque, je gagnais les cross UNSS. Et plus je gagnais, plus je voulais courir. J’étais une grande compétitri­ce. J’acceptais de grosses charges de travail. Je voulais toujours repousser mes limites.

Jusqu’où ?

Au coeur des années , j’étais la première française sur  m et  m. Mais au niveau internatio­nal, je n’ai jamais franchi le e rang. Le top  était réservé aux filles qui se dopaient. Des filles du bloc de l’Est bâties comme des mecs. L’athlétisme était alors un sport à deux vitesses.

C’était dur à accepter ?

C’était comme ça. On connaissai­t toutes la règle du jeu. Il fallait faire avec. Je courais sur la même distance mais pas dans la même catégorie que Jarmila Kratochvíl­ová par exemple. Mais je n’avais pas le choix. Et quand ça jouait des coudes dans le peloton, je tremblais...

‘‘

A mon époque, il était impensable qu’un Français termine premier...”

Vous n’avez jamais été tentée par le dopage ?

Jamais. Pourtant, on m’a proposé de rejoindre une équipe qui utilisait ces moyens illicites afin de rentrer dans le top  mondial. Je n’ai rien voulu entendre. Pour moi, il était exclu de tricher et de prendre des risques. Je ne voulais pas hypothéque­r ma vie de femme. Je désirais, plus que tout, être mère.

Le dopage n’était pas dans la culture des athlètes français. Et la gagne ?

Non plus. Les perchistes, mis à part, on ne gagnait pas. Sur les courses de vitesse comme en demifond, il était impensable qu’un Français termine premier. Tout était écrasé par le dopage. La culture de la gagne, elle, est venue plus tard. On a eu des médailles d’or et des champions du monde. Ce n’était pas le cas dans les années .

Quelle était votre stratégie de course ?

Ma seule chance, c’était de lancer le train. D’accélérer. De faire exploser la course. On disait que j’étais audacieuse, mais en fait, je ne pouvais pas faire autrement (rire...).

Votre meilleur souvenir ?

Nikaïa . Une semaine avant le meeting, je me souviens m’être entraînée sur cette même piste en serrant les dents. Il tombait des cordes. J’avais regardé les tribunes vides en me promettant de les soulever. Un rêve fou. Le soir du Nikaïa, il faisait doux. Le stade était plein. Normal : les organisate­urs avaient invité tous les gamins des colonies de vacances. Grâce à deux Américaine­s qui me poussent à tout donner, je gagne d’un souffle et je bats le record de France du  mètres. Là, j’ai ressenti une décharge de bonheur. Une sorte de plénitude. Un moment de grâce. L’instant le plus fort de ma carrière. Ça a duré quelques secondes, mais je n’ai jamais oublié cette émotion. Faire ça à Nice, ma ville, sur mon stade, le Parc Charles-Ehrmann, devant les miens. Waouh !

Le pire moment ?

Quand je comprends que je n’irai pas aux JO de Seoul en  à cause d’une blessure au tendon des deux pieds. Une inflammati­on qui nécessiter­a une opération. Je m’étais dit : ‘’Je ferai les JO de Barcelone quatre ans plus tard ()’’.

Là encore, ce fut une déception. Je n’ai jamais fait les minima.

Une anecdote ?

Championna­ts de France . Je fais le dernier temps des demi-finales du  mètres. Je suis la dernière qualifiée. Bref, je ne suis ni favorite, ni même outsider. Le jour de la finale, j’ai pourtant de bonnes sensations pendant l’échauffeme­nt. Je sens que je peux créer la surprise. Je le sais... Et alors que personne ne m’attend, je décroche mon deuxième titre de championne de France.

Et si c’était à refaire ?

Jamais je ne retomberai dans le sport de haut niveau où il est très difficile de trouver son équilibre. L’incessante recherche de la performanc­e est une chose épuisante. J’ai vécu plus de souffrance­s que de joies durant ma carrière d’athlète. J’ai fini essorée. A refaire ? Je ferais de la danse et du piano...

 ?? (Photos DR et Frantz Bouton.) ?? Florence Giolitti hier et aujourd’hui. Ci-dessus : lors de son record de France du  m au Nikaïa.
(Photos DR et Frantz Bouton.) Florence Giolitti hier et aujourd’hui. Ci-dessus : lors de son record de France du  m au Nikaïa.

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