Nice-Matin (Cannes)

L’occasion manquée

- de DENIS CARREAUX Directeur des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

On ne peut certaineme­nt pas faire grief à Edouard Philippe de ne pas avoir été clair et pédagogue hier. Son discours, qui ne manquait ni de fond ni de précision, n’a pourtant pas été en mesure de désamorcer la bombe sociale. Bien au contraire. La colère froide du patron de la CFDT, le micro du Premier ministre à peine éteint, a provoqué une déflagrati­on d’une violence inattendue. À la tête du premier syndicat de France, favorable d’ailleurs au système par points, Laurent Berger avait la clé de la sortie de crise. Il a refermé la porte à double tour, estimant qu’« une ligne rouge a été franchie » avec l’instaurati­on de l’âge-pivot à  ans. Cette règle, et Edouard Philippe ne s’en cache pas, est destinée à « inciter les Français à travailler plus longtemps » afin

« d’équilibrer le système durablemen­t ». En l’imposant, le Premier Ministre assume un choix forcément impopulair­e. Il prend aussi le risque de provoquer le mécontente­ment de Français qui ne se sentaient jusque-là pas plus concernés que cela par une bataille sociale réduite par certains à la défense de régimes spéciaux anachroniq­ues. Avec l’âgepivot et le bonus-malus avant et après  ans, les syndicats ont donc trouvé un nouveau chiffon rouge, balayant du coup les « avancées sociales » présentées par Edouard Philippe hier midi. Pension minimum de  € nets par mois, prise en compte de la pénibilité, mesures en faveur des femmes : autant d’évolutions de nature à rendre plus équitable le système actuel qui est peut-être, ainsi que le repète à l’envi le patron de la CGT Philippe Martinez, «le meilleur au monde », mais génère aussi son lot d’injustices et de déséquilib­res. Au-delà des appels au renforceme­nt du mouvement de la part de la CGT et de FO, du ralliement de la CFDT, de l’UNSA et de la CFTC à la mobilisati­on du  décembre, la contestati­on, pourtant en net reflux avant-hier, devrait repartir de plus belle. Les désagrémen­ts subis par les Français aussi, au passage. Si la colère dépasse les seuls syndicats et s’étend bien audelà de la SNCF, de la RATP, des enseignant­s, des policiers et des hospitalie­rs, le gouverneme­nt, devenu adepte des compromis depuis la crise des « gilets jaunes », n’aura pas d’autre choix que de reculer. Dans ce cas, Edouard Philippe, qui rêve toujours secrètemen­t de réussir là ou son mentor Alain Juppé avait échoué en , pourrait finir par servir de fusible à un Président de la République contraint de monter en première ligne pour sauver la fin d’un quinquenna­t amputé alors de sa réforme de société la plus ambitieuse.

« Avec l’âge-pivot à 64 ans, les syndicats ont trouvé un nouveau chiffon rouge »

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