Nice-Matin (Cannes)

Les cheminots en AG : « Encore plus énervés »

Parce qu’ils réclament depuis le début du mouvement le retrait pur et simple du projet, les cheminots ont mal accueilli les annonces du Premier ministre. Leur grève est reconduite ce jeudi

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

La gare de Nice, hier, à l’heure du déjeuner. Traçant une ligne imaginaire sur le quai, un cheminot désabusé : «Ceux nés avant 1975, mettez-vous de ce côté. Ceux nés après 1975, de l’autre. » Point de vue imagé sur la scission opérée parmi des grévistes un peu égarés, depuis le début du conflit, dans les méandres d’un projet compliqué. Ou abscons, si l’on se réfère à ce résumé d’un militant CGT : « Une usine à gaz. » Le même, il est vrai, avait annoncé l’exposé du Premier ministre en ces termes peu amènes : « Attention, l’autre c… va parler. »

Il l’a fait. Édouard Philippe s’est longuement exprimé et son allocution fleuve a été suivie par un auditoire concentré. Debout, dans un courant d’air glacé, le regard vissé sur l’écran de télé posé à la hâte à l’écart du piquet où l’on se réchauffe d’un gobelet de café. Dire que l’annonce a été bien accueillie serait mentir. L’assistance s’était déplacée avec un a priori négatif. Au point de voter, avant tout discours, la reconducti­on de la grève pour la journée de ce jeudi. Par 66 voix pour et 3 contre.

« Des mesurettes »

La correction des injustices ? L’adaptation à de nouvelles trajectoir­es ? La prise en compte de précarités inédites ? Dans les rangs, ça tousse, on s’agace, quelques-uns s’esclaffent. « Tendez

l’oreille ! », suggère un cheminot lorsque vient le tour des régimes spéciaux. Un autre, après que le Premier ministre a rejeté toute velléité de procrastin­ation : « Dis donc, il a ouvert le dico… »

La pilule est amère. Le contrôleur Najim Abdelkader, élu CGT, veut « une véritable discussion sur un nouveau projet » et regrette que les syndicats ne soient «pas entendus ». Tout juste consent-il à reconnaîtr­e un vague intérêt aux « mesurettes » concernant « les familles nombreuses et les femmes aux carrières hachées ». Christophe Mandelli, sous la bannière de Sud, raille. « J’ai failli pleurer », blague le conducteur qui condamne le principe d’un curseur : « On veut diviser les salariés alors qu’il faudrait tirer les retraites vers le haut. » Le compte n’y est pas, estime ce militant qui juge scandaleux de « laisser vieillir des gens avec 1 000 euros par mois ».

Son fils Jordan, qui exerce le même métier, mais avec un statut moins favorable, est remonté. « Il nous a encore plus énervés », dénonce le jeune homme qui s’attend à devoir travailler « pendant encore quarante-trois ans ». Les envolées d’Édouard Philippe sur les vertus de l’universali­té ont donc laissé les cheminots sur leur faim. Et, sur le quai, quelques trains.

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(Photo Dylan Meiffret) Le mouvement des cheminots reconduit ce jeudi. Un sur deux en grève dans la région, jusqu’à  % de participat­ion dans les Alpes-Maritimes.

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