Nice-Matin (Cannes)

Maurice,  ans, retraité depuis dix ans : « Je ne peux pas m’arrêter »

- STÉPHANIE GASIGLIA FRANCK LECLERC

Dix euros la coupe. Bonbon compris : une tradition de la maison. Chez Maurice, coiffeur pour hommes, on pousse la porte sans rendezvous. Pour un service à l’ancienne, l’essentiel aux ciseaux, les finitions au rasoir à main. Les murs du petit salon,  m au début de la rue Alsace-Lorraine, à Nice, sont tapissés de cartes postales envoyées par des clients fidèles. C’est sa façon à lui de voyager quand ses moyens ne lui permettent guère de s’évader.

Car Maurice,  ans, est obligé de travailler. Obligé,

« pas tout à fait » ,ilest honnête et il a sa fierté. Mais difficile de s’arrêter quand on émarge à mille euros. Officielle­ment à la retraite depuis , ses comptes sont vite faits : «  euros par la Sécu,  par l’Urssaf et  par ma complément­aire. » Apprenti à treize ans, il dit avoir cotisé pendant vingt ans comme artisan, trente ans en qualité de salarié. Car il a tout fait. Coiffeur surtout, à son compte ou chez divers patrons. Mais également dix ans de taxi à Paris, sans oublier seize mois de service militaire et trois ans dans l’administra­tion, à la Caisse des dépôts et consignati­ons. « Un mois de chômage en tout et pour tout », calcule Maurice qui fêtera, si l’on peut dire, ses soixante ans de carrière en . Certes, entre des activités dûment déclarées se sont intercalée­s quelques entorses aux règles du travail. La faute aux employeurs peu regardants de ses débuts, « c’est l’époque qui voulait ça ». « Je cotise encore, mais pour rien »

À l’arrivée, difficile de faire face aux charges qui s’additionne­nt. Sur la Côte depuis , ayant suivi sa seconde et très niçoise épouse, Maurice, redevenu célibatair­e, a dû supporter seul un loyer de  euros. Plutôt que de vivre « trop chichement », il a renoncé à raccrocher, mais a sensibleme­nt réduit la voilure. « Je ne travaille plus que vingt-huit heures par semaine, ce qui me rapporte cinq à six cents euros par mois. » Impossible, à ce stade, de gâter trois enfants et huit petits-enfants. Mais il n’éprouve ni jalousie ni rancoeur. « Il n’appartenai­t qu’à moi d’entrer à la SNCF ou n’importe où ailleurs. J’ai vécu les Trente Glorieuses. Du travail, on en trouvait partout, quand on voulait. » Parmi ses clients réguliers, un ancien conducteur de TGV. « Ceux qui ont une bonne retraite, tant mieux pour eux » ,dit Maurice qui n’envie personne et avoue ne rien comprendre à une réforme dont il n’attend pas grand-chose. Ah si, peutêtre un petit coup de pouce, puisque « vivre avec  euros par mois, ce n’est pas évident ».

Un autre point le préoccupe, sur lequel le Premier ministre ne s’est pas exprimé. «Cequi me contrarie, c’est de devoir cotiser encore à l’assurance vieillesse alors que ça ne me rapportera jamais un centime de plus. L’Urssaf me prélève plus qu’elle ne me verse. Là, je ne comprends pas. »

Sur le curseur du départ, on ne s’étonnera pas de sa position : « Que ce soit  ou  ans, pour moi, ça reste jeune. En tout cas, vu mon âge, je trouve que ce n’est vraiment pas vieux. ».

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