Maurice, ans, retraité depuis dix ans : « Je ne peux pas m’arrêter »
Dix euros la coupe. Bonbon compris : une tradition de la maison. Chez Maurice, coiffeur pour hommes, on pousse la porte sans rendezvous. Pour un service à l’ancienne, l’essentiel aux ciseaux, les finitions au rasoir à main. Les murs du petit salon, m au début de la rue Alsace-Lorraine, à Nice, sont tapissés de cartes postales envoyées par des clients fidèles. C’est sa façon à lui de voyager quand ses moyens ne lui permettent guère de s’évader.
Car Maurice, ans, est obligé de travailler. Obligé,
« pas tout à fait » ,ilest honnête et il a sa fierté. Mais difficile de s’arrêter quand on émarge à mille euros. Officiellement à la retraite depuis , ses comptes sont vite faits : « euros par la Sécu, par l’Urssaf et par ma complémentaire. » Apprenti à treize ans, il dit avoir cotisé pendant vingt ans comme artisan, trente ans en qualité de salarié. Car il a tout fait. Coiffeur surtout, à son compte ou chez divers patrons. Mais également dix ans de taxi à Paris, sans oublier seize mois de service militaire et trois ans dans l’administration, à la Caisse des dépôts et consignations. « Un mois de chômage en tout et pour tout », calcule Maurice qui fêtera, si l’on peut dire, ses soixante ans de carrière en . Certes, entre des activités dûment déclarées se sont intercalées quelques entorses aux règles du travail. La faute aux employeurs peu regardants de ses débuts, « c’est l’époque qui voulait ça ». « Je cotise encore, mais pour rien »
À l’arrivée, difficile de faire face aux charges qui s’additionnent. Sur la Côte depuis , ayant suivi sa seconde et très niçoise épouse, Maurice, redevenu célibataire, a dû supporter seul un loyer de euros. Plutôt que de vivre « trop chichement », il a renoncé à raccrocher, mais a sensiblement réduit la voilure. « Je ne travaille plus que vingt-huit heures par semaine, ce qui me rapporte cinq à six cents euros par mois. » Impossible, à ce stade, de gâter trois enfants et huit petits-enfants. Mais il n’éprouve ni jalousie ni rancoeur. « Il n’appartenait qu’à moi d’entrer à la SNCF ou n’importe où ailleurs. J’ai vécu les Trente Glorieuses. Du travail, on en trouvait partout, quand on voulait. » Parmi ses clients réguliers, un ancien conducteur de TGV. « Ceux qui ont une bonne retraite, tant mieux pour eux » ,dit Maurice qui n’envie personne et avoue ne rien comprendre à une réforme dont il n’attend pas grand-chose. Ah si, peutêtre un petit coup de pouce, puisque « vivre avec euros par mois, ce n’est pas évident ».
Un autre point le préoccupe, sur lequel le Premier ministre ne s’est pas exprimé. «Cequi me contrarie, c’est de devoir cotiser encore à l’assurance vieillesse alors que ça ne me rapportera jamais un centime de plus. L’Urssaf me prélève plus qu’elle ne me verse. Là, je ne comprends pas. »
Sur le curseur du départ, on ne s’étonnera pas de sa position : « Que ce soit ou ans, pour moi, ça reste jeune. En tout cas, vu mon âge, je trouve que ce n’est vraiment pas vieux. ».