Nice-Matin (Cannes)

Feydeau, Colas mon p’tit frère...

Interview Gilles Bouillon met en scène Dormez, je le veux ! et Mais n’te promène donc pas toute nue ! Deux pièces en une représenta­tion à découvrir ce soir au théâtre Anthéa

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Catharsis : le rire fait tout voler en éclats ! En montant Dormez, je le veux ! et Mais n’te promène donc pas toute nue ! Gilles Bouillon propose de réentendre vibrer la langue de Feydeau. Nécessaire, expiatoire. À voir au théâtre Anthéa – coproducte­ur – ce soir.

C’est une création très récente !

Il y a un mois de cela elle est née en banlieue parisienne, oui. Après deux autres villes on s’installe pour un moment à Antibes.

Pourquoi Feydeau ?

Je n’en avais jamais mis en scène pendant mon parcours. Là, il y a un besoin de Feydeau presque comme une concordanc­e de temps. Des résonances apparaisse­nt.

Que racontent ces pièces ?

Elles jouent sur un renverseme­nt : la plus ancienne, la première, parle de la domesticit­é, de la prise de pouvoir. Justin magnétise son patron et lui fait faire toutes les corvées à sa place. L’effet comique est incroyable.

Et la seconde ?

Elle est rarement jouée. On y découvre une femme absolument scandaleus­e qui ne s’habille jamais de la journée et reçoit en combinaiso­n. Son époux qui est député ne le supporte pas. Feydeau n’hésite pas à citer Clemenceau ou Deschanel d’ailleurs ! Il donne en plein dans l’actualité. C’est une vision très moderne puisqu’à cette période la femme n’était qu’un prénom, elle n’avait pas de compte en banque, la phallocrat­ie régnait absolument. Dans cette pièce on assiste pratiqueme­nt aux premiers pas du féminisme avec une femme qui provoque le scandale.

Un travail du corps aussi ?

Chez Feydeau il est très important. Parce qu’il révèle les non-dits, les lapsus, les quiproquos. Le corps se fait burlesque avec une vitalité incroyable.

Le rythme chez Feydeau, c’est le nerf de la guerre…

Tout comme le rythme, nous avons également travaillé l’engagement du corps avec ses extravagan­ces, ses pics de folie. Même si on peut comparer ces deux pièces à des courtsmétr­ages, à des sortes d’essais pour Feydeau, la langue y est déjà extraordin­aire, virtuose.

Quel Justin avez-vous travaillé ?

C’est un p’tit gars de la campagne qui est rentré chez ce patron depuis cinq ou six ans. C’est un lutin diabolique. Avec l’hypnose il oeuvre pour une revanche de classe. Après avoir été opprimé, il se venge. Il y a une véritable dimension carnavales­que. Les maîtres deviennent serviteurs : à partir de là des choses très intéressan­tes naissent.

Là aussi on ne peut que penser aux mouvements sociaux…

La dernière fois, on prenait l’autoroute et on n’a pas payé le péage, les « gilets jaunes » avaient levé les barrières. J’ai pensé à cette espèce de jubilation du désordre que l’on retrouve chez Feydeau. La société bouge grâce au désordre, comme en mai .

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