Nice-Matin (Cannes)

« Le Royaume-Uni pour nous c’est fini »

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« C’est le Brexit qui nous a décidés. » Janet, 50 ans, et Rod, 54 ans, vivent en France depuis plus de vingt ans. Tous deux conseiller­s financiers à Cagnes-sur-Mer, ils ont obtenu la nationalit­é française en mai, trois ans après avoir déposé leur demande de naturalisa­tion en préfecture.

Le soir du 23 juin 2016, sans attendre de connaître les résultats du référendum sur l’appartenan­ce du Royaume-Uni à l’Union européenne tombés tard dans la nuit, « on s’est couché confiant. Le lendemain matin, quand on a appris que le oui l’avait emporté, ça a été un vrai choc. J’ai aussitôt appelé afin de prendre rendez-vous pour l’entretien en préfecture, car je savais qu’il y avait beaucoup d’attente, et on a réuni les documents », se souvient Rod.

Après les différents examens écrits et oraux, pour lesquels Rod a lu des dizaines d’ouvrages et révisé pendant des mois, le couple a attendu environ six mois avant de voir leurs noms figurer sur le décret de naturalisa­tion publié au Journal officiel. C’était en mai. Ils ont aussitôt demandé leurs pièces d’identité puis se sont immédiatem­ent inscrits sur les listes électorale­s.

« On s’est senti abandonné par notre pays »

« Au Royaume-Uni, vous perdez le droit de vote au bout de quinze ans d’absence du territoire. On s’est senti abandonné par notre pays. En votant pour le Brexit, les Britanniqu­es n’ont pas compris l’impact que ça allait avoir sur nous, qui vivons dans un autre pays de l’Union européenne. Ça nous concerne énormément et nous n’avons même pas pu voter. Cela concernait aussi nos parents, âgés, que nous avions fait venir en France. Ils sont décédés depuis. Ils risquaient de perdre la carte Vitale. Beaucoup de retraités britanniqu­es qui vivent en France ont cette crainte. Aujourd’hui, c’est le Royaume-Uni qui rembourse les soins à la France, mais avec le Brexit ? L’ambassade recommande de prendre une assurance privée. Mais quand vous avez 80 ans, quelle assurance va vous accepter ? Et à quel prix ? », s’alarme Rod avant de conclure : « Pour moi, le Royaume-Uni c’est fini. J’ai mis mon passeport britanniqu­e dans un tiroir et je me sers du passeport français pour voyager. » « Pour moi qui suis écossaise, c’est un peu différent. Je suis attachée à mes racines. Mais j’ai honte des Britanniqu­es. Je ne me sens plus sur la même longueur d’onde. Je ne suis plus chez moi là-bas », ajoute Janet. [L’Ecosse avait voté non au Brexit à 62 %, ndlr]»

« Une sécurité pour nous »

« Theresa May voulait un Brexit plus doux. Mais le Brexit de Boris Johnson [leader du Parti conservate­ur et Premier ministre du Royaume-Uni depuis le 24 juillet, ndlr] est plus menaçant. Depuis Johnson, j’ai plus de clients qui veulent demander la nationalit­é française, constate Rod. La nationalit­é française, c’est une sécurité pour nous. Avec le Brexit, pour pouvoir rester en France, ça impliquera sûrement de demander une carte de séjour. Mais on ne sait pas ce qui peut se passer en France. Par exemple, si un jour c’est madame Le Pen qui dirige la France et qu’elle change le droit du sol. »

Leurs deux filles, âgées de 12 et 13 ans, nées en France, ont également été naturalisé­es françaises en même temps que leurs parents. « A 6 ans, notre aînée nous avait déjà demandé à changer de nationalit­é. Elle disait : “J’ai le passeport d’un pays que je ne connais pas” ».

Il ne se passe pas un jour sans que le couple ne parle de leur naturalisa­tion, entre eux, avec leurs clients. Et Rod consulte régulièrem­ent sur Internet les décrets de naturalisa­tion parus au Journal officiel, « pour voir si je connais quelqu’un. Il y a entre 20 et 25 Britanniqu­es chaque semaine ».

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