Nice-Matin (Cannes)

Discordes à douze cordes sur les planches d’Anthéa

Thomas Garcia monte sur les planches avec ses comparses pour présenter une douce folie aussi clownesque que musicale. Le Grand orchestre de poche : dès demain à Anthéa

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Oubliez tout ce que vous savez sur le ukulélé. Dès demain sur le plateau d’Anthéa, le trio des clowns frappés va assurer un cours particulie­r... Oui, on ne peut plus particulie­r. Sur les planches ? Le Grand orchestre de poche : Joris Barcaroli, Karim Malhas et Thomas Garcia. Ce dernier –notamment venu avec son Monsieur Mouche – offre une nouvelle approche du théâtre physique : aussi bien pour les comédiens que les spectateur­s qui vont clairement faire bosser leurs zygomatiqu­es !

C’est l’histoire d’un concert qui vire à la catastroph­e ?

Le prétexte pour ces trois personnage­s c’est de venir donner un concert. Et rendre leurs lettres de noblesse au ukulélé. Pour eux c’est un instrument magnifique, extraordin­aire qui a souvent été moqué. Et effectivem­ent, comme ce sont trois personnage­s catastroph­iques : le concert ne se déroule pas comme il faudrait.

Qui sont-ils ?

Il y a déjà ce rapport de trio, dans le clown on appelle cela un jeu de famille. Il y a un leader, c’est l’érudit. Il étale un peu sa science du conservato­ire, son expérience de musicien profession­nel. À côté, il y a les deux cons [sic.] qui suivent. Le deuxième, c’est le charmeur. Pour lui il y a toujours une femme à séduire dans la salle. Et puis, le troisième, le contre pitre qui est la dernière roue du carrosse. Plutôt un cabot, il est maladroit, il pète tout ce qu’il touche, tout l’amuse…

C’est un enfant ?

En quelque sorte : rien n’est important, n’est vraiment grave.

Qu’est-ce qui les lie tous les trois ?

L’enjeu du premier concert. On les imagine avoir passé de longues après-midi et soirées de répétition­s. Alors il y a beaucoup d’émotions qui se mélangent avec le plaisir d’être là. Pour ce public, on joue avant tout avec lui.

Pas de quatrième mur ?

Non. Avant tout le clown est là pour plaire au public. C’est lui qui détermine tout le jeu. Il y a des moments de rires que l’on peut se permettre de prolonger, aller jusqu’au bout dans le jeu jusqu’à ce que cela redescende. Et puis revenir au scénario. On a toujours une grande liberté. D’ailleurs, on continue de trouver des choses sur le plateau avec le public. C’est une recherche clownesque perpétuell­e. Après les dix, quinze premières représenta­tions nécessaire­s pour que les choses se posent, on passe le cap des trente et l’on est tout le temps en train de réinventer.

Cela demande une posture de surécoute, non ? Il y a vous trois et le public…

Tout à fait. Ce qui est intéressan­t c’est de découvrir des caractères bien différents et leurs interactio­ns face aux obstacles.

Obstacles ?

C’est toujours comme cela que se construit le clown. « Je n’arrive pas à contrôler mon corps », « j’ai du mal à parler » Ce sont des obstacles qui peuvent être tout aussi bien extérieurs qu’intérieurs.

C’est aussi comme cela que l’on tisse l’empathie ?

On rit de nous et on rit des autres, oui. Puis, soyons honnêtes : on aime bien voir le clown dans la merde ! [sic.] On aime bien le voir rater. D’autant plus que lorsque l’on rate c’est pour mieux réussir derrière. Un des personnage­s essaie de chanter une chanson tout au long du spectacle. Il n’y parvient pas. Il retente, encore, encore… Et quand il y arrive enfin : le public est à fond avec lui !

La musique fait partie intégrante des dialogues ?

Absolument ! Je n’ai pas envie de parler trop du répertoire pour ne pas dévoiler la surprise. Mais les chansons arrivent comme ça : soit parce qu’ils sont trop heureux, trop contents, soit parce que le morceau correspond au moment. Ce sont trois imbéciles heureux qui vivent dans le moment présent. On joue vachement sur leur fragilité. Bien plus souvent qu’on ne le pense ce n’est pas ce que le clown va faire qui est déterminan­t.

Ahoui?

C’est comme un numéro de lancer de couteau. C’est davantage l’état émotionnel du personnage que son action qui va amener l’émotion dans le public. Que ce soit dans le registre comique ou dramatique d’ailleurs.

Comment avez-vous travaillé avec Charlotte Saliou ?

En fait, elle a été une super quatrième partenaire pour nous ! On est partis de cette base qu’on avait du trio et elle a été très en propositio­n pour justement nous faire sortir de nos rails.

C’est-à-dire ?

Dans notre idée première, Joris ne devait pas prendre le lead du groupe. Mais au final, Charlotte est allée chercher des choses un petit peu vraies dans chacun de nous pour rendre tout cela cohérent… Joris tient désormais ce rôle de clown blanc qui essaie de faire en sorte que tout se passe bien. Avec son autorité et sa science de la musique il tente de gérer ses deux acolytes. Il y a beaucoup de rapports qui changent : à trois, le pouvoir passe de mains en mains… Grâce à elle on est allés au bout des propositio­ns, jusqu’à faire des impros d’une heure et quart parfois ! Et elle nous donnait la patate en face à rire, à donner des indication­s… Oui, c’est un trio mais à quatre.

Vous avez pris de la distance sur la mise en scène ?

Je voulais me dégager de cette position-là, oui. Dans ce spectacle, il y a pas mal d’humour physique, de maladresse, de chute… C’est un peu mon credo et Élise Ouvrier-Buffet connaît très bien ces approches de la scène, la cascade burlesque.

Tout part du plateau ?

Pour cela il faut être disponible : des situations se créent, on improvise, on passe à la table, on repasse sur le plateau. Notre but est de retrouver les émotions qui nous ont traversées, comme la première fois.

Le Grand orchestre de poche, demain à 20 h 30, mercredi à 21 heures, jeudi à 20 h 30, vendredi et samedià21 heures,dimancheà1­6 heures,authéâtre Anthéa, 260 avenue Jules-Grec à Antibes. Tarifs : 18 à 27 euros. Rens. 04.83.76.13.00.

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