Àans , la Cogolinoise Margo Izzo va bientôt signer son premier CDI
Comme toutes les jeunes filles de 20 ans, Margo Izzo rêve de quitter le giron familial et « d’avoir mon appartement à 25 ans, comme mon frère », dit-elle. Elle s’en donne les moyens en travaillant. Sauf que toutes les jeunes filles de son âge ne vivent pas avec un handicap. Celui de la Cogolinoise est dû à une violente crise d’épilepsie lorsqu’elle avait deux ans et demi. « Une nuit, je l’ai retrouvée inanimée, elle ne respirait plus, explique Marlène, sa maman. Elle a été sauvée, mais son cerveau n’ayant pas été irrigué durant 45 minutes, elle accuse un léger retard intellectuel. En fait, elle est plus lente. » Poussée par une famille qui ne l’a jamais considérée comme une enfant handicapée, Margo s’est toujours affirmée : « Je ne voulais pas travailler en Esat, je veux prouver que je peux être en milieu ordinaire. »
Polyvalente, autonome et volontaire
Elle a été soutenue en ce sens par Frédérique, éducatrice à l’Institut médico-éducatif Estérel de Saint-Raphaël, qui a sollicité la conserverie Au bec fin de Cogolin, l’année dernière. « On nous a demandé si on accepterait de la prendre pour un stage d’une semaine. Honnêtement, j’étais sceptique, j’ai demandé à la rencontrer, explique le directeur de production, Guillaume Chiartano. Elle était ultra-réservée. J’ai un peu hésité : comment l’intégrer dans une petite équipe ? On est douze, avec beaucoup de garçons, des métiers pas faciles. Je ne voulais pas que les gens s’en amusent. J’ai prévenu tout le monde qu’il fallait que ça se passe bien. »
Et ça s’est bien passé. Margo est revenue pour des stages, puis a signé un contrat saisonnier de six mois l’été dernier, un autre de deux mois, en cours. « Et bien entendu, elle aura un CDI à la fin des deux mois, assure le directeur. Je ne l’avais pas envisagé au début, mais elle le mérite. Elle travaille autant qu’un autre opérateur, elle est à 80 % d’un bon opérateur pour l’instant. Elle a énormément évolué et continuera d’évoluer, j’en suis certain. »
La jeune fille fait 37 heures par semaine, payée au Smic horaire, plus les heures supplémentaires. Très sensible, elle est consciente d’avoir relevé le défi. « J’étais un peu timide au début, je ne connaissais personne, raconte-t-elle. J’ai appris plein de choses. Je travaille principalement à l’étiquetage et au conditionnement. J’aime bien changer de poste, aider à faire la soupe avec Stéphane, à mettre la panière avec Mathieu. »
Polyvalente, volontaire, et de plus en plus autonome, elle répond à des demandes précises, sait rester concentrée toute une journée. Aujourd’hui, Margo assure : « Je n’ai jamais douté, j’avais confiance. Maintenant, je suis à l’aise, et pipelette », avoue-t-elle avec un grand sourire et une petite lueur supplémentaire dans ses grands yeux. Elle aime aussi chanter, du Soprano par exemple, dans la salle de stérilisation comme sur la chaîne d’étiquetage.
Elle repousse sans cesse ses limites
Ses collègues de travail l’ont adoptée. Certains viennent la voir lors des spectacles d’équitation auxquels elle participe (elle joue aussi au tennis), l’un d’eux l’a accompagnée à un concert avec sa maman. Bref, elle fait l’unanimité. Doublement vigilant, « parce qu’elle ne voit pas les risques », son responsable ne tarit pas d’éloges à son égard. « Elle apporte tout ce qu’elle est : un sourire permanent, une humeur identique tous les jours. Elle n’a jamais de problème, contrairement à nous ! C’est aussi une réussite personnelle inattendue de la voir évoluer et s’épanouir, dit-il. Même mon directeur, M. Manière, la montre en exemple. Ce n’était pas écrit. Encore une fois, c’est lié à Margo. » L’employée idéale ? « Ça y ressemble, avec ses petites limites qu’elle repousse sans cesse », répond-il. Pour Marlène Izzo, « ils ont donné sa chance à ma fille, c’est quelque chose d’inespéré. Beaucoup d’entreprises ont peur du handicap. » Pas Au bec fin, où l’on est prêt à renouveler l’expérience. « Encore faut-il trouver la bonne personne », précise Guillaume Chiartano.
De son côté, Margo ne compte pas s’arrêter là. Celle qui appelle son petit copain « le prince charmant » apprend actuellement le code de la route. Prochaine étape vers une plus grande autonomie encore.