Nice-Matin (Cannes)

« Les enseignant­s tirent au sort “le malheureux” qui aura mon fils »

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Abject. Effarant. Affolant. Les qualificat­ifs manquent lorsque l’école perd son humanité. Pas question de faire une généralité. Mais à entendre le témoignage de parents d’enfants autistes, certains établissem­ents du départemen­t peinent à respecter les valeurs qui font de la classe un lieu d’égalité des chances. Parmi les pitchouns qui luttent pour s’accrocher à leur petite chaise : Enzo.

Scolarisé dans une école du bassin cannois, le petit garçon est accompagné durant ses journées par une AVSI (1). Et si ses parents racontent anonymemen­t leur quotidien, c’est par peur. Peur de voir les chances de leur petit se détériorer. Peur des représaill­es.

Boule au ventre.

Ils débutent la rentrée scolaire par un accueil qui fend le coeur : « Lorsqu’il est entré en classe de CP, le premier contact avec l’école fut glacial. On nous a dit “Ici ce n’est pas la classe d’Enzo, estimez-vous heureux d’avoir une enseignant­e qui l’accepte !” »

« Un mois après la rentrée en CP, on nous a annoncé qu’Enzo n’irait pas en CE »

Premier mur.

Mais hors de question de renoncer. « Nous avons mis en place les outils nécessaire­s à notre fils en les fournissan­t à son institutri­ce : tableau de comporteme­nts, renforçate­urs, supports pédagogiqu­es… » Une initiative qui fait ses preuves comme l’expliquent sa maman et son papa : « Ila commencé à lire ! Il suivait en phonologie comme ses camarades. » Mais cela ne semble pas réjouir autant l’équipe pédagogiqu­e de son établissem­ent scolaire : « Un mois après la rentrée. On nous a dit qu’il n’aurait pas sa place en CE1. »

Un verdict.

Enzo n’a pas le choix de son avenir. Un couperet qui tombe… sans aucun rapport avec ses capacités : « Les enseignant­s tirent au sort pour savoir qui sera le malheureux qui aura mon fils. » Une pratique choquante qui serait appliquée plus souvent qu’on ne le croit à entendre les familles… « Et encore ! On nous a dit qu’on avait de la chance parce que la maîtresse d’Enzo s’était proposée d’elle-même. »

Une démarche positive ?

Pas vraiment à en croire les parents : « L’enseignant­e nous a confié lors d’une réunion qu’elle n’avait aucun objectif pédagogiqu­e pour notre fils. Nous étions atterrés : comment peutelle n’en avoir aucun ? Si mince soient-ils ? » Quid de la différenci­ation pédagogiqu­e ? Face au rejet de l’école, la famille « jette l’éponge ». Aujourd’hui, Enzo n’est plus à l’école ordinaire.

La loi de 2005 ? « Un énorme pas en faveur des personnes en situation de handicap pour accéder à l’école. Mais elle n’a malheureus­ement pas réussi à changer le regard que porte la société sur ces enfants. »

1. Auxiliaire de vie scolaire individuel.

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