Aux assises, la « bonne leçon » se termine en crime
Pour une sombre histoire de vol d’ordinateur, un homme de 27 ans a cru mourir en avril 2017 à Grasse, battu, ligoté et jeté dans un coffre de voiture. Ses agresseurs sont jugés depuis hier
Au premier jour d’un procès consacré à leur personnalité, les trois accusés principaux sont unis par des liens invisibles que la cour d’assises révèle au fur et à mesure des débats. Des parents défaillants, une enfance ballottée marquée par de la violence, une scolarité stoppée prématurément, une surconsommation de cannabis et d’alcool… Des vies minuscules réunies le 7 avril 2017 pour une agression médiocre, misérable.
Eric Caillet, 43 ans, émerge involontairement de ce trio. Son casier judiciaire est lourd de quatorze condamnations. Il se présente effacé dans le box, abruti par les médicaments. Reconnaîtil les faits d’enlèvement, de séquestration, de violence, d’extorsion avec arme ?
« Oui mais pas l’arme », répond l’accusé.
Expédition punitive
À l’époque des faits, il squattait chez Laurent, un homme visiblement fragile, un temps sous curatelle, qui était sommé d’offrir le gîte et le couvert. Laurent a été cambriolé. Un ordinateur a disparu. En avril 2017, Eric Caillet décide d’organiser une expédition punitive. Il veut donner «une correction » à Yoann soupçonné d’avoir commis le vol pour se venger d’avoir été molesté et dépouillé la veille. Caillet recrute Alexandre Miletti (à ses côtés dans le box), un colosse lui aussi connu de la justice. Les amis, Julien et Laurent qui eux, comparaissent libres, sont aussi embarqués dans cette sale histoire. Priscillia, la compagne de Julien, est aussi poursuivie pour ne pas avoir dénoncé l’équipée sauvage à la police.
La jeune victime est enlevée en fin de matinée, frappée à coups de pied, de poings, de couteau, bâillonnée, ligotée enfermé dans le coffre d’une Renault Laguna. Ses tortionnaires ont arrêté la voiture sur le parking d’un supermarché du quartier Saint-Jacques pour aller acheter des chips et des bières.
Yoann parvient avec l’énergie du désespoir à défoncer la plage arrière puis à briser la lunette arrière. C’est couvert de sang, en caleçon, qu’il se réfugie dans la voiture d’une cliente qui venait de faire ses courses. Quelles étaient les intentions du trio ? Impossible de le dire à ce stade du procès. La victime, elle, est persuadée qu’elle allait mourir. C’est ce que lui aurait promis Eric Caillet.
Les experts ne sont pas d’accord
Le président Didier Guissart cherche surtout lors de ce premier jour à percer la personnalité de chacun des protagonistes. Notamment d’Eric Caillet qui a dicté à ses complices présumés la conduite à tenir devant la juge d’instruction et leur a confié : « Je vais me faire passer pour fou. » Et manifestement, cela a fonctionné puisque le Dr Chellali estime que l’accusé avait «un discernement aboli au moment des faits et n’est pas responsable pénalement de ses actes ». Il est diagnostiqué « schizophrène paranoïde » ! Le suspect a confié à l’expert qu’il entendait des voix… L’avocat général Caroline Blasco s’étonne que ces simples déclarations suffisent à convaincre l’expert.
Autre surprise, Laurent, un garçon handicapé, sous la coupe de Caillet, est présenté comme «un homme dangereux » par cette même psychiatre. La cour, les jurés, la défense et l’accusation sont manifestement désorientés par cette expertise.
Une contre-expertise d’Eric Caillet demandée par l’ensemble des parties contredit d’ailleurs les premières conclusions. Une fois de plus, à cette session d’assises, les experts psychiatres peinent à se mettre d’accord.