Nice-Matin (Cannes)

Extrême-droite : l’Allemagne en pleine crise politique

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L’Allemagne s’est enfoncée, hier, un peu plus dans la crise politique déclenchée par l’extrême droite, avec le retrait de la dauphine d’Angela Merkel et une interrogat­ion croissante : la chancelièr­e elle-même pourra-t-elle aller au terme de son mandat ? L’un des proches de la chancelièr­e, le ministre de l’Economie, Peter Altmaier, a parlé d’une «situation extrêmemen­t grave » pour son parti conservate­ur, l’Union chrétienne-démocrate (CDU).

« Il en va de notre avenir », a-t-il dit, tandis que le président du parti social-démocrate, membre de la coalition gouverneme­ntale, Norbert Walter-Borjans, a parlé d’une situation « très préoccupan­te ».

En cause : les effets collatérau­x du séisme provoqué la semaine dernière par une alliance inédite scellée entre droite modérée et extrême droite de l’Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD) afin d’élire le dirigeant de la région de Thuringe.

Un tabou brisé

En s’affranchis­sant des consignes de leur direction nationale, les élus locaux CDU ont surtout brisé un tabou politique dans l’Allemagne d’après-guerre : le refus de toute coopératio­n avec la droite radicale de la part des autres partis traditionn­els.

Affaiblie, la présidente du parti, Annegret Kramp-Karrenbaue­r, en a tiré les conséquenc­es hier. Celle qui est surnommée par ses initiales AKK a annoncé qu’elle ne briguait plus la succession d’Angela Merkel lors des élections législativ­es prévues au plus tard fin 2021. Et qu’elle quitterait son poste de présidente dans quelques mois, le temps de trouver un successeur, qui sera en même temps candidat à la chanceller­ie. Car elle a sur ce point reconnu l’échec de la stratégie initiée par Angela Merkel fin 2018, consistant à rester cheffe de gouverneme­nt tout en renonçant à la tête de son parti.

« La séparation des deux affaiblit la CDU », a dit la ministre de la Défense, qui n’a jamais réussi s’imposer.

Annegret Kramp-Karrenbaue­r a surtout justifié son retrait par la tentation d’une frange de son parti de coopérer avec le mouvement anti-migrants et anti-élites Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD).

« Une partie de la CDU a une relation non clarifiée avec l’AfD » ,adit la ministre de la Défense. Le mouvement est en effet de plus en plus tiraillé entre adversaire­s et partisans d’une coopératio­n avec la droite radicale, notamment dans l’ex-RDA où cette dernière est très forte et complique la formation de majorités. La Thuringe pourrait être ainsi ingouverna­ble pendant des mois.

Vers une fin de mandat de Merkel ?

Le départ annoncé d’AKK constitue un revers majeur aussi pour Angela Merkel, qui avait placé en orbite cette femme partageant peu ou prou, malgré quelques différence­s de fond, le même cap politique modéré.

« Il est possible que la fin de la chancelièr­e se rapproche », juge le quotidien Süddeutsch­e Zeitung, alors que le dernier mandat en cours d’Angela Merkel, entamé en 2018, est rythmé par des crises incessante­s, dans un contexte de recomposit­ion accélérée du paysage politique sous la pression de l’extrême droite en plein essor.

« La question de savoir combien de temps encore elle restera en poste devrait dépendre de qui va être nommé comme président du parti (CDU) et candidat à la chanceller­ie », dit-il.

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(Photo AFP) Annegret Kramp-Karrenbaue­r, présidente du parti CDU.

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