Nice-Matin (Cannes)

Séisme allemand

- L’ÉDITO de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Ce n’est pas une crise politique qui secoue l’Allemagne depuis bientôt une semaine mais bel et bien un séisme dont les répliques risquent fort d’être durables et dangereuse­s. Qui aurait pu imaginer que des chrétiens-démocrates, membres de la CDU, le parti de la chancelièr­e Angela Merkel, concluent un jour une alliance électorale avec une extrême-droite en plein essor, l’Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD), une formation aux relents néonazis, devenue depuis les élections législativ­es de septembre  le troisième parti du Bundestag à Berlin ? L’impossible s’est donc produit en Thuringe, le  février, pour éliminer de la présidence de ce land de l’ex-Allemagne de l’Est le sortant, un représenta­nt de la gauche radicale ayant fait pourtant sa mue, démocrate apprécié des investisse­urs et des industriel­s. Mais rôde encore sur ces terres le fantôme du communisme. Une coalition improbable, faite de la CDU, des Libéraux du FDP et des extrémiste­s de l’AfD, s’est ainsi formée pour empêcher le sortant d’être reconduit et élire à sa place un représenta­nt du FDP. Une alliance impensable il y a peu encore, formelleme­nt interdite en outre par la direction de CDU. Surtout, la fin d’un tabou. Ce coup de tonnerre est d’autant plus violent qu’il ne s’agit en rien d’une manoeuvre de pure circonstan­ce sans risque d’aller plus loin. Il s’avère que l’opération était préparée et qu’elle confirme les déchirures au sein du parti d’Angela Merkel. L’aile droite de la CDU, en effet, n’entend pas s’en tenir à la ligne arrêtée en décembre  à Hamburg dans un congrès qui vit alors Annegret Kramp-Karrenbaue­r (’’AKK’’) succéder à Angela Merkel et apparaître comme la future chancelièr­e après les élections de l’automne . Une succession préparée que l’épisode thuringeoi­s fait voler en éclats. Surprise par ce mauvais coup, AKK a réagi aussitôt, réclamé de nouvelles élections, s’est déplacée à Erfurt, la capitale de la Thuringe, pour y convaincre les deux tiers des élus régionaux CDU de se prononcer pour un nouveau scrutin. Vains efforts. Dont elle a tiré une conclusion radicale, sans doute pour souligner la gravité des faits et provoquer un choc dans l’opinion allemande : hier matin, elle démissionn­ait de la présidence de la CDU et annonçait qu’elle renonçait à succéder à Angela Merkel. Ce tremblemen­t de terre est le révélateur de profondes fractures au sein de ce grand parti de gouverneme­nt qu’est la CDU. Elles laissent présager, ici ou là, de nouvelles alliances avec l’AfD. Un tournant dont nul ne peut dire où il peut conduire une Allemagne dont la santé politique devient on ne peut plus préoccupan­te, gagnée à son tour par une menace qui se répand par ailleurs dans tous les pays de l’Union européenne.

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