Nice-Matin (Cannes)

Tramway : retour sur une ligne tant attendue

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Rerouvez aujourd’hui la rubrique historique de Corinne Julien Bettoni. L’occasion de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos anciens. Un récit hebdomadai­re méticuleux, agrémenté d’un clichéé d’époque présenté en miroir avec une photo du site actuel.

Au début du siècle dernier, un tramway reliait Cannes à la Cité de Fragonard se fit attendre de longues années. Cette ligne fut une oeuvre de longue haleine. Un journalist­e de la Revue de Grasse titrait en 1910 : « Verra-t-on un jour circuler ce tramway ? Est-il un mythe ou une réalité ?»

Au début du siècle dernier, on voyageait encore avec des voitures hippomobil­es. Les loueurs d’équipages, fiacres et autres pataches n’appréciaie­nt guère l’arrivée de ces engins électrique­s dont on parlait tant. On les trouvait très laids, bruyants et surtout dangereux pour les piétons. Les citadins courraient le risque de trébucher sur les rails en traversant la chaussée. On craignait même que l’un d’entre eux ne fût écrasé par la machine infernale !

Un trajet de  h  mn

Les riches hivernants qui passaient les mois les plus froids sur la côte, pensaient que le tramway allait compromett­re leur bien-être par les nuisances sonores. La ligne entra en service le 16 août 1915, sans cérémonie officielle, l’ambiance n’étant pas alors à la fête. Au même moment, le premier conflit mondial générait des combats meurtriers en Champagne et en Artois.

Le tramway partait de l’ancienne place des îles, empruntait la rue Maréchal-Joffre, le Pont-Carnot, l’avenue de Grasse, gênait dans leurs jeux, les enfants du Four à Chaux, gagnait la Blanchisse­rie, avant de grimper vers Mougins et d’arriver à Mouans-Sartoux.

Cette commune accueillai­t la gare principale et la tête des lignes. Le tram s’arrêtait à hauteur du passage à niveau du village car il lui était interdit de traverser la voie ferrée avec les voyageurs. Ces derniers devaient descendre du véhicule, puis, après avoir franchi à pied les rails, remontaien­t dans une autre voiture qui les transporta­it à Grasse ! Le convoi s’arrêtait en haut du Cours Honoré-Cresp, non loin de la pharmacie.

C’était le terminus, la ligne n’allant pas plus loin. Le trajet de Cannes à Grasse durait environ une heure et vingt minutes. Sept navettes constituée­s d’une motrice et d’une remorque effectuaie­nt quotidienn­ement le parcours de 7 h 10 à 18 h 20, en simultané.

Un incident de parcours burlesque

Un jour de printemps 1917, un wagon de marchandis­es se détacha de la ligne de tramway Grasse-Cagnes dont la gare se trouvait sur la place de la Foux, sise sur les hauteurs de Grasse.

Chargé de sacs de son très lourds, il dévala le boulevard du Jeu-de-Ballon et, prenant de la vitesse, vint placer ses roues dans les rails de la ligne CannesGras­se, sur le Cours en face de l’actuelle brasserie, le Celtic.

Il descendit à toute allure le boulevard Victor-Hugo, passa devant la parfumerie Méro-Boyveau, en face de la Maison Molinard, puis, après avoir défoncé le mur d’une belle propriété, termina son périple, les quatre roues en l’air sur la pelouse du jardin ! Cet incident ne fit aucune victime, mais impression­na nombre de personnes qui se souvinrent longtemps de la descente du wagon fou.

Dès le début des années 1920, la compagnie propriétai­re du service dut faire face à de nombreux procès. Ces faits, joints au développem­ent de l’industrie automobile et surtout à la mise en place d’un service régulier d’autocars effectuant le même trajet en 35 minutes environ, sonnèrent le glas du tramway qui s’arrêta de circuler le 30 septembre 1926, après la dernière session du conseil général.

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(Photo DR et C.J.B.) Présent
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Passé
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