De la concurrence à la complémentarité
de « Je n’ai pas d’ordres à recevoir, y compris d’un ministre. Je reçois des ordres du peuple… On n’a besoin de personne pour savoir gérer nos territoires. Aujourd’hui, on supplée la défaillance de l’État. » Cette sortie carabinée de Sébastien Leroy, maire (LR) de Mandelieu, après que Christophe Castaner a ordonné le retrait des arrêtés municipaux rendant le port du masque obligatoire, est bien plus qu’une bravade ou un coup de semonce isolé. Elle est le signe du nouveau rapport de force qui s’est installé, à la « faveur » de la crise sanitaire, entre l’État et les collectivités locales. Jusqu’ici, les maires en particulier ronchonnaient en boucle et un peu dans
le vide, avouons-le. Ils se plaignaient de n’être ni assez dotés ni assez considérés. L’épreuve sanitaire leur a permis, à la hussarde, de prendre les choses en main, en faisant fi du formalisme. Et de démontrer leur savoir-faire. On peut certes être agacé par la politique-spectacle d’élus locaux bateleurs, qui n’ont de cesse de tirer la couverture médiatique à eux. L’honnêteté commande pourtant de reconnaître que l’efficacité est de leur côté. Ils traduisent aujourd’hui en actes leurs discours sur les vertus de la proximité.
Leur réactivité a même tourné à la confusion de l’État, quand ce dernier s’est vu contraint de piquer éhontément des commandes sanitaires effectuées par une Région ou un Département. C’est un fait, dans la crise que nous traversons, quand bien même elle s’est parfois traduite par des initiatives à hue et à dia, voire par une concurrence déplacée, l’efficience a, d’abord, été locale. Une question
en découle tout naturellement : est-ce donc parce que c’est un pays fédéral, dont les seize Länder disposent de beaucoup plus d’autonomie que nos Régions, que l’Allemagne s’est bien mieux dépêtrée, jusqu’ici, du coronavirus ? Sur la base de son modèle, un certain nombre de nos départements ruraux, où le virus est quasi inexistant et la mortalité nulle, auraient déjà pu reprendre une vie presque normale. À un jacobinisme encrassé, il faut toutefois éviter d’opposer un girondisme de circonstance.
Après un indéniable retard à l’allumage, l’État, pour ce qu’il maîtrise, a su aussi reprendre les rênes. En matière économique tout spécialement, on ne peut que donner quitus au trio Le Maire - Darmanin Pénicaud de tout mettre en oeuvre, de manière très pragmatique, pour accompagner au mieux les salariés et les entrepreneurs. Par caractère et par nécessité, nous aurons encore besoin d’un État fort demain. Mais, et ce sera l’un des défis de l’après, l’épreuve endurée devra servir à progresser sur le chemin inéluctable d’une décentralisation plus carrée, aux prérogatives clairement assorties de moyens dédiés.
« En dépit d’initiatives à hue et à dia parfois, l’efficience a, d’abord, été locale… »