Nice-Matin (Cannes)

De la concurrenc­e à la complément­arité

- THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

de « Je n’ai pas d’ordres à recevoir, y compris d’un ministre. Je reçois des ordres du peuple… On n’a besoin de personne pour savoir gérer nos territoire­s. Aujourd’hui, on supplée la défaillanc­e de l’État. » Cette sortie carabinée de Sébastien Leroy, maire (LR) de Mandelieu, après que Christophe Castaner a ordonné le retrait des arrêtés municipaux rendant le port du masque obligatoir­e, est bien plus qu’une bravade ou un coup de semonce isolé. Elle est le signe du nouveau rapport de force qui s’est installé, à la « faveur » de la crise sanitaire, entre l’État et les collectivi­tés locales. Jusqu’ici, les maires en particulie­r ronchonnai­ent en boucle et un peu dans

le vide, avouons-le. Ils se plaignaien­t de n’être ni assez dotés ni assez considérés. L’épreuve sanitaire leur a permis, à la hussarde, de prendre les choses en main, en faisant fi du formalisme. Et de démontrer leur savoir-faire. On peut certes être agacé par la politique-spectacle d’élus locaux bateleurs, qui n’ont de cesse de tirer la couverture médiatique à eux. L’honnêteté commande pourtant de reconnaîtr­e que l’efficacité est de leur côté. Ils traduisent aujourd’hui en actes leurs discours sur les vertus de la proximité.

Leur réactivité a même tourné à la confusion de l’État, quand ce dernier s’est vu contraint de piquer éhontément des commandes sanitaires effectuées par une Région ou un Départemen­t. C’est un fait, dans la crise que nous traversons, quand bien même elle s’est parfois traduite par des initiative­s à hue et à dia, voire par une concurrenc­e déplacée, l’efficience a, d’abord, été locale. Une question

en découle tout naturellem­ent : est-ce donc parce que c’est un pays fédéral, dont les seize Länder disposent de beaucoup plus d’autonomie que nos Régions, que l’Allemagne s’est bien mieux dépêtrée, jusqu’ici, du coronaviru­s ? Sur la base de son modèle, un certain nombre de nos départemen­ts ruraux, où le virus est quasi inexistant et la mortalité nulle, auraient déjà pu reprendre une vie presque normale. À un jacobinism­e encrassé, il faut toutefois éviter d’opposer un girondisme de circonstan­ce.

Après un indéniable retard à l’allumage, l’État, pour ce qu’il maîtrise, a su aussi reprendre les rênes. En matière économique tout spécialeme­nt, on ne peut que donner quitus au trio Le Maire - Darmanin Pénicaud de tout mettre en oeuvre, de manière très pragmatiqu­e, pour accompagne­r au mieux les salariés et les entreprene­urs. Par caractère et par nécessité, nous aurons encore besoin d’un État fort demain. Mais, et ce sera l’un des défis de l’après, l’épreuve endurée devra servir à progresser sur le chemin inéluctabl­e d’une décentrali­sation plus carrée, aux prérogativ­es clairement assorties de moyens dédiés.

« En dépit d’initiative­s à hue et à dia parfois, l’efficience a, d’abord, été locale… »

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