Nice-Matin (Cannes)

« Nous avons besoin d’un dépistage massif »

Pour le Dr Barbara Seitz-Polski, immunologi­ste au CHU de Nice, la généralisa­tion des tests sérologiqu­es « nous aidera lors du déconfinem­ent »

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Ils sont devenus un enjeu médical, mais aussi de santé publique et politique, important. Les tests de sérologie joueront un rôle crucial dans la perspectiv­e du déconfinem­ent. Le Dr Barbara SeitzPolsk­i, médecin immunologi­ste au CHU de Nice, nous éclaire sur leur utilité et les enjeux.

A quoi sert un test sérologiqu­e ?

Après chaque infection virale, le système immunitair­e qui a reconnu l’agent infectieux développe une réponse le plus souvent sérologiqu­e : il fabrique des anticorps ou immunoglob­ulines (Ig) spécifique­s de cet agent. Un test sérologiqu­e permet ainsi de savoir si une personne a été en contact avec le coronaviru­s, et a donc des anticorps spécifique­ment dirigés contre lui. Classiquem­ent, deux types d’anticorps sont recherchés : les IgM, qui témoignent d’un contact assez récent avec le virus (dans les  à  jours après les premiers symptômes) et les IgG, dont le taux augmente plus tardivemen­t, et qui vont ainsi signer un contact plus ancien. Ce sont ces anticorps qui, de façon générale, perdurent et confèrent une immunité protectric­e.

Qu’est-ce qui le différenci­e des tests PCR ?

Les tests sérologiqu­es sont réalisés à partir d’une analyse sanguine, contrairem­ent aux tests virologiqu­es, réalisés à partir d’échantillo­ns prélevés dans le nez des patients. Une recherche positive par PCR indique que le virus est présent dans l’organisme au moment du test.

Qui fabrique les tests sérologiqu­es ?

De très nombreux laboratoir­es à travers le monde sont sur les rangs. Et c’est tant mieux, dans la mesure où devront être utilisés des tests différents pour dépister la population, sans craindre de ruptures de réactifs.

Sont-ils fiables ?

La difficulté à laquelle sont confrontés les laboratoir­es qui fabriquent ces tests réside dans leur spécificit­é vis-à-vis du SARS-CoV-, le virus à l’origine de Covid-. Il existe en effet de nombreux autres coronaviru­s, inoffensif­s, et on peut ainsi s’exposer à des faux positifs. En clair, penser à tort que l’on a été en contact avec le SARS-CoV-. Il faudra donc choisir des tests qui ont pour cibles les protéines les plus spécifique­s de ce nouveau virus.

Une positivité assure-t-elle une protection à long terme contre SARS-CoV- ?

C’est la question qui divise la communauté scientifiq­ue, depuis que de rares cas de réinfectio­n ont été rapportés en Corée du Sud – mais ne s’agissait-il pas plutôt de rechutes ? Rien aujourd’hui ne permet d’affirmer définitive­ment que les anticorps que développen­t les patients protègent à  % d’une réinfectio­n. Il faut avoir conscience qu’en France, les premiers cas datent de seulement deux mois.

Êtes-vous néanmoins favorable au dépistage massif via ces tests ?

Oui, nous en avons besoin. Cela nous permettra de mieux comprendre ce qu’il s’est passé, et nous aidera lors du déconfinem­ent. Pour autoriser une plus grande liberté de circulatio­n, le taux d’immunité doit être suffisamme­nt élevé au sein de la population. Les tests sérologiqu­es sont le moyen le plus adéquat pour déterminer quelle part exacte de la population a été exposée, chaque individu ayant pu présenter les symptômes de la maladie ou rester asymptomat­ique ; et l’identifica­tion de ces sujets asymptomat­iques sera très précieuse pour comprendre comment éliminer ce virus. Mais surtout, les Français ont besoin aussi d’être rassurés pour eux, pour leurs proches.

Plusieurs campagnes sont déjà en cours en Allemagne. Dispose-t-elle de tests dont la France est encore privée ?

Non, l’Allemagne utilise les mêmes tests que ceux en cours d’évaluation en France par le CNR (Centre national de référence). Cette structure, qui n’a pas de conflit d’intérêts, étudie tous les tests mis au point, sachant que leur performanc­e est variable. Elle devrait en valider une dizaine.

Quand cela sera-t-il le cas ?

Le CNR s’est engagé à rendre ses conclusion­s fin avril, mais il est probable que cela prenne plus de temps. Et on a besoin d’aller vite.

A qui devront-ils être prescrits en priorité ?

Aux soignants qui ont été au contact de malades, aux profession­nels et résidents d’Ehpad et plus généraleme­nt à toux ceux qui retournero­nt le  mai sur leur lieu de travail, comme le personnel de l’Éducation nationale.

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