« Nous avons besoin d’un dépistage massif »
Pour le Dr Barbara Seitz-Polski, immunologiste au CHU de Nice, la généralisation des tests sérologiques « nous aidera lors du déconfinement »
Ils sont devenus un enjeu médical, mais aussi de santé publique et politique, important. Les tests de sérologie joueront un rôle crucial dans la perspective du déconfinement. Le Dr Barbara SeitzPolski, médecin immunologiste au CHU de Nice, nous éclaire sur leur utilité et les enjeux.
A quoi sert un test sérologique ?
Après chaque infection virale, le système immunitaire qui a reconnu l’agent infectieux développe une réponse le plus souvent sérologique : il fabrique des anticorps ou immunoglobulines (Ig) spécifiques de cet agent. Un test sérologique permet ainsi de savoir si une personne a été en contact avec le coronavirus, et a donc des anticorps spécifiquement dirigés contre lui. Classiquement, deux types d’anticorps sont recherchés : les IgM, qui témoignent d’un contact assez récent avec le virus (dans les à jours après les premiers symptômes) et les IgG, dont le taux augmente plus tardivement, et qui vont ainsi signer un contact plus ancien. Ce sont ces anticorps qui, de façon générale, perdurent et confèrent une immunité protectrice.
Qu’est-ce qui le différencie des tests PCR ?
Les tests sérologiques sont réalisés à partir d’une analyse sanguine, contrairement aux tests virologiques, réalisés à partir d’échantillons prélevés dans le nez des patients. Une recherche positive par PCR indique que le virus est présent dans l’organisme au moment du test.
Qui fabrique les tests sérologiques ?
De très nombreux laboratoires à travers le monde sont sur les rangs. Et c’est tant mieux, dans la mesure où devront être utilisés des tests différents pour dépister la population, sans craindre de ruptures de réactifs.
Sont-ils fiables ?
La difficulté à laquelle sont confrontés les laboratoires qui fabriquent ces tests réside dans leur spécificité vis-à-vis du SARS-CoV-, le virus à l’origine de Covid-. Il existe en effet de nombreux autres coronavirus, inoffensifs, et on peut ainsi s’exposer à des faux positifs. En clair, penser à tort que l’on a été en contact avec le SARS-CoV-. Il faudra donc choisir des tests qui ont pour cibles les protéines les plus spécifiques de ce nouveau virus.
Une positivité assure-t-elle une protection à long terme contre SARS-CoV- ?
C’est la question qui divise la communauté scientifique, depuis que de rares cas de réinfection ont été rapportés en Corée du Sud – mais ne s’agissait-il pas plutôt de rechutes ? Rien aujourd’hui ne permet d’affirmer définitivement que les anticorps que développent les patients protègent à % d’une réinfection. Il faut avoir conscience qu’en France, les premiers cas datent de seulement deux mois.
Êtes-vous néanmoins favorable au dépistage massif via ces tests ?
Oui, nous en avons besoin. Cela nous permettra de mieux comprendre ce qu’il s’est passé, et nous aidera lors du déconfinement. Pour autoriser une plus grande liberté de circulation, le taux d’immunité doit être suffisamment élevé au sein de la population. Les tests sérologiques sont le moyen le plus adéquat pour déterminer quelle part exacte de la population a été exposée, chaque individu ayant pu présenter les symptômes de la maladie ou rester asymptomatique ; et l’identification de ces sujets asymptomatiques sera très précieuse pour comprendre comment éliminer ce virus. Mais surtout, les Français ont besoin aussi d’être rassurés pour eux, pour leurs proches.
Plusieurs campagnes sont déjà en cours en Allemagne. Dispose-t-elle de tests dont la France est encore privée ?
Non, l’Allemagne utilise les mêmes tests que ceux en cours d’évaluation en France par le CNR (Centre national de référence). Cette structure, qui n’a pas de conflit d’intérêts, étudie tous les tests mis au point, sachant que leur performance est variable. Elle devrait en valider une dizaine.
Quand cela sera-t-il le cas ?
Le CNR s’est engagé à rendre ses conclusions fin avril, mais il est probable que cela prenne plus de temps. Et on a besoin d’aller vite.
A qui devront-ils être prescrits en priorité ?
Aux soignants qui ont été au contact de malades, aux professionnels et résidents d’Ehpad et plus généralement à toux ceux qui retourneront le mai sur leur lieu de travail, comme le personnel de l’Éducation nationale.