Au tribunal de Grasse la justice ne s’arrête pas
Comparutions immédiates pour délits divers, affaires familiales, protection des victimes de violences conjugales, conflits de voisinage... Le tribunal poursuit sa mission en temps de crise
Covid- oblige, le tribunal de grande instance de Grasse a revu son fonctionnement pour s’adapter à la crise. « Mais la justice ne s’arrête pas, loin de là ! » martèle le président Michael Janas, dont les équipes sont sur le pont chaque jour. Entre confinement non respecté, délits en tous genres, violences conjugales ou conflits de voisinage et affaires familiales entre autres, comment s’organise le TGI ? Le président et la procureur Fabienne Atzori font le point.
Le fonctionnement du tribunal
« Notre mission est d’assurer la garantie des libertés individuelles. Chaque jour, une quarantaine de personnes sont présentes au tribunal », insiste Michaël Janas : juges d’instruction, pour enfants, d’application des peines, aux affaires familiales, greffiers, avocats… Le tribunal reste ouvert – «avecdes mesures de précaution » et «pas uniquement pour réprimer ceux qui sont en dehors des règles ». Si les audiences sont moins nombreuses, les urgences sont « évidemment » traitées et les dossiers, pénaux comme civils, examinés à la loupe. Des ordonnances de protection aux mesures de liberté surveillée qui arrivent à échéance en passant par les questions de saisies immobilières, par exemple. « Je suis très fier de mes équipes, elles sont mobilisées et présentes sur le terrain. »
Des procédures de référé par écrit
Concernant les référés (procédures d’urgence pour régler provisoirement un litige, N.D.L.R.), le tribunal expérimente ces jours-ci une nouvelle méthode : par courrier ! « Le tribunal pourra ainsi statuer sans audience. La condition est qu’il y ait un avocat en demande et en défense. Nous nous réajustons en temps réel, en essayant de trouver des réponses adaptées à la situation actuelle… »
Délits liés au confinement au tribunal correctionnel
Au tribunal correctionnel, la grève des avocats avait déjà entraîné de nombreux reports d’audiences en début d’année. À l’heure actuelle, les dossiers « non urgents » ou « dossiers libres » (sans détenu) sont à nouveau reportés. Le tribunal correctionnel siège toutefois quotidiennement pour les comparutions immédiates. En clair, les personnes arrêtées par les forces de l’ordre chaque jour pour des délits en tous genres. Nombre d’entre eux concernent notamment le non-respect des mesures de confinement et les violences envers les policiers et gendarmes…
Alors que la garde des Sceaux tente de “vider” les prisons pour éviter la propagation du virus (lire ci-dessous), l’heure n’est pas à l’impunité pour autant : plusieurs personnes ont été incarcérées récemment pour outrages et violences, trafic de stupéfiants ou encore tentative de cambriolage.
Les personnes déjà placées en détention provisoire, en attendant un jugement, « ne sont plus extraites de prison, afin d’éviter les transferts et le risque de contamination ».
Certaines comparutions ont lieu par visioconférence. Une nouvelle contrainte qui rallonge parfois la durée des audiences.
Violences conjugales et mineurs en danger
Pas d’augmentation significative des violences conjugales dans la circonscription. « Mais on peut se poser la question : est-ce parce que les victimes ne peuvent pas le signaler actuellement ? », soulève la procureur. « On ne constate pas non plus de hausse particulière pour les mineurs en danger. » Un seul cas a été signalé la semaine dernière. Une jeune fille qui avait alerté sa pharmacienne de la situation tendue à son domicile.
Bientôt une vague « d’affaires familiales » ?
Non-présentation d’enfants pour cause de crise sanitaire, menaces entre ex-conjoints… Le tribunal s’attend à une forte hausse des requêtes auprès du juge aux affaires familiales. Les litiges concernant pensions alimentaires et gardes alternées risquent en effet de se multiplier à l’issue du confinement. Michael Janas promet de s’adapter et de « mettre en place des stratégies. Pour l’instant, c’est trop tôt, car la situation évolue de jour en jour, même au niveau de l’État ».
La solution pour faire face ?
« Mettre la priorité sur certains contentieux, comme les affaires familiales » si besoin. « C’est un choix difficile : en matière de justice, tout est important, même un conflit de voisinage. Mais cela peut être différé par rapport à d’autres dossiers : enfant en danger, conjoint violenté, libération ou maintien en détention. On essaie de rendre la meilleure justice possible en ces temps compliqués… »