Nice-Matin (Cannes)

Grace Wembolua : « Je ne suis pas qu’une survivante »

Rescapée d’un incendie ayant coûté la vie à sa mère et son frère, cette handibaske­tteuse de haut niveau passée par Le Cannet répand un message positif sur les réseaux sociaux.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

On l’avait rencontrée en avril 2018, elle avait 22 ans. On avait découvert son histoire un peu plus tôt. On craignait de commettre une maladresse ou, pire, de faire preuve d’impudeur. Le destin de Grace Wembolua est hors du commun. D’abord pour le pire. Un incendie à la maison, qui lui fauche pour toujours sa mère et son frère. Elle, la fillette de cinq ans, s’en est sortie. Gravement brûlée, plongée dans le coma, amputée des deux jambes. Déracinée, aussi. Éloignée de son père, un temps soupçonné d’être à l’origine, criminelle, du feu d’appartemen­t.

Une jeune femme pleine de vie, qui en avait déjà vécu mille, nous faisait face. Tête bien faite , elle parle cinq langues. Corps abîmé devenu machine de guerre, elle est handibaske­tteuse internatio­nale. Des mots si naturels, encore plus que sur son compte Instagram, où elle partageait déjà son quotidien, ses douleurs passées une autre manière de progresser. Et puis la vie, là-bas, elle est géniale. » Durant la saison actuelle, stoppée net par la crise du Coronaviru­s, Grace évoluait avec les Léopards de Guyenne, à Bordeaux. « Pas super-motivée » pour multiplier les séances physiques à domicile, elle lit « Les Quatre accords toltèques et la biographie de Michelle Obama ». Elle attend la suite. « Soit je reprends avec Bordeaux, soit je retourne aux ÉtatsUnis. J’ai plusieurs propositio­ns d’université­s. Ce serait parfait pour moi. Si j’obtenais une bourse, je pourrais poursuivre des études de traductric­e. Ou bien me tourner vers le droit, qui me passionne aussi. »

Perspectiv­es bienvenues pour effacer le « goût amer » de la nonqualifi­cation de l’équipe de France féminine aux Jeux paralympiq­ues de Tokyo. Toute jeune, elle avait pris part aux Jeux de Rio, en 2016. Elle compte bien remettre le couvert à Paris, dans quatre ans. « Mais pas pour faire acte de présence. J’aurai 28 ans, il n’y aura peut-être plus d’autre occasion. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Je veux être l’une des figures de Paris 2024. »

Cicatrices affichées, prothèses « pimpées »

Grace Wembolua en a le potentiel. Elle a déjà dépassé le cadre confidenti­el de son sport. Près de 12 000 personnes la suivent sur Instagram (@amazin_gracy). Au royaume de la superficia­lité, elle a su se créer une place à part. Sa différence ? La sincérité sûrement. « Depuis presque deux ans, j’ose montrer mes cicatrices. Je cachais mes prothèses aussi. Là, je les affiche et je les customise, comme des accessoire­s de mode. Avant je recevais des messages pour me dire que j’étais courageuse, etc. Maintenant, c’est pour me dire que mes prothèses sont stylées ! Tant mieux, je ne suis pas qu’une survivante. » Chez elle, la lumière n’est « pas top ». Grace a réduit la cadence de ses publicatio­ns. Elle poursuivra plus tard. « Je suis assez secrète, j’ai parfois du mal à dire ce que je ressens. Instagram, c’est une bonne solution. »

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(DR)

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