Nice-Matin (Cannes)

SAMPDORIA - MONACO : -

- MATHIEU FAURE

Le 18 avril 1990, au stade Luigi-Ferraris : Sampdoria bat Monaco 2 à 0 (20). Score du match aller 2-2. Monaco éliminé au stade des demi-finales. 35577 spectateur­s. Arbitrage de M. dos Santos (Portugal)

Buts : Vierchowoo­d (9e), Lombardo (12e)

Avertissem­ents à Monaco : Sonor, Diaz et Ferratge. Sampdoria Gênes : Pagliuca - Carboni, Lanna, Vierchowoo­d - Dossena, Invernizzi, Katanec, Pari - Lombardo, Mancini, Vialli. Entraîneur : Vudajin Boskov.

AS Monaco : Ettori - Valéry, Mendy, Petit, Sonor - Blondeau (Fofana 46e), Ferratge, Dib, Mège (Clément 62e) - Diaz, Weah. Entraîneur : Arsène Wenger.

Trente ans après, les regrets sont toujours là. Comme l’impression d’être passé à côté de quelque chose de grand. Demi-finale de Coupe des Coupes, Monaco se rend chez le voisin de la Sampdoria pour y disputer une demi-finale retour. A l’aller, les deux équipes se sont séparées sur un match nul (2-2). Un match que l’ASM prépare dans des conditions particuliè­res. « C’est une ville proche de Monaco, on se sentait presque rassuré d’aller jouer là-bas, rembobine Luc Sonor. Arsène Wenger nous avait même demandé d’aller voir jouer la Doria un dimanche où on ne jouait pas. On a fait le déplacemen­t à 5-6 joueurs pour les observer. Un garçon comme Ramon Diaz, qui avait jouer à l’Inter Milan, nous a beaucoup parlé d’eux aussi ».

Sur le papier, l’équipe génoise à fière allure. Et ce n’est pas le latéral droit Patrick Blondeau qui dira le contraire : « 3-4 ans avant ce match, je jouais au Subbuteo avec mon frère, on avait un immense plateau de jeu et certaines figurines

avaient des noms : Mancini, Vialli, etc. Et là, je joue contre eux. C’était surréalist­e comme sensation ». Monaco est à un match d’une finale européenne. Avant d’envisager la suite, il faut défier le LuigiFerra­ris, une enceinte particuliè­re. « L’ambiance était survoltée, hostile, notamment envers les noirs de l’ASM, poursuit Sonor. Ça a sans doute joué sur notre mental, on s’est fait enfumer. Sur le terrain, ils étaient roublards, on a pris des claques, et pourtant je n’étais pas un gentil. C’est là-bas que j’ai appris ce que voulait dire ‘’Va fanculo’’, j’ai passé le match à l’entendre à mon encontre. »

Arsène Wenger, le coach monégasque, modifie ses plans initiaux et maintient ses joueurs sous pression jusqu’au dernier moment. « Le coach nous donne la compositio­n tardivemen­t, et je joue milieu de terrain », embraye Blondeau. Mais le début de match est un cauchemar. Blondeau : « On rate complèteme­nt notre match ». Sonor : « Au bout de 15 minutes on est mené 2-0. On rate complèteme­nt notre entame alors qu’on était meilleur qu’eux. On a sans doute péché par orgueil, on se croyait sans doute déjà arrivé. On fait une meilleure seconde période mais on ne revient jamais dans le match ». En face, l’escouade italienne récite sa partition à la perfection. « Une belle équipe, Mancini, Vialli, Katanec, Pagliuca et puis Lombardo, un TGV qui allait à 200 à l’heure. Wenger m’avait demandé de ne pas monter car il fallait veiller sur lui. Même Vierchowoo­d, le central, était un sacré client », avoue Sonor. Remplacé à la pause par Fofana, Blondeau garde beaucoup de regrets de ce match retour. « D’habitude, on misait sur Weah qui faisait basculer les matches, mais pas cette fois. On perd surtout la qualificat­ion au match aller avec un match nul immérité chez nous (2-2) » poursuit l’ancien latéral droit. « Ça reste sans doute notre plus mauvais match, Gênes, détaille Blondeau. On est vraiment passé à côté. Peut-être, qu’inconsciem­ment, le fait que ça soit à côté – on avait fait le déplacemen­t en bus – a été préjudicia­ble. D’habitude, en Coupe d’Europe, tu es dépaysé, tu voyages. Là, on a joué un match à deux pas de Monaco...» Malgré l’immense déception, les Monégasque­s gardent un bon souvenir de cette épopée. Blondeau, qui effectuait là sa première saison sur le Rocher en retient même un souvenir particulie­r : « Lors du premier tour, je joue mon premier match européen contre Belenenses et le commentate­ur m’appele Patrick Valéry pendant toute la rencontre (rires). »

Il y a surtout ce huitième de finale particulie­r joué à Berlin... une semaine avant la chute du mur. «On se qualifie avec un but à l’extérieur

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On se croyait déjà arrivé, on a sans doute péché par orgueil ”

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D’habitude, en Coupe d’Europe, tu es dépaysé. Là, on était à deux pas de Monaco...”

de Ramon Diaz. Il avait cassé le mur avait titré la presse, en rigole encore Sonor. Il faut se rendre compte de Berlin en novembre 1989. C’était froid, on avait le sentiment d’être en temps de guerre. Dès notre arrivée, on s’est dit : ‘’vivement qu’on joue et qu’on se casse’’. La veille du match, on a fait notre balade en ville habituelle et on a été au mur. L’impression est terrible de se dire que, de l’autre côté, tu as un peuple. La sensation que personne ne savait sourire. Ça m’a rappelé le contexte du bassin lorrain quand j’évoluais à Metz en 1984 avec la crise de la sidérurgie. Tu sens une tristesse omniprésen­te. En Allemagne, on a eu la sensation que les mecs voulaient nous dévorer. Avec le recul, on s’est dit que Gênes serait facile à côté et on est passé au travers... Mais ça nous a servis puisque deux ans plus tard on va en finale de C2 et éliminant la Roma et le Feyenoord. Rotterdam, c’était un truc de sauvage. On a joué contre des fous mais on avait appris en 1990 »

Car l’ASM avait surtout un sacré effectif. « Sur le papier, on avait une équipe de jeunes et de cadres mais tout le monde était sur un pied d’égalité. On avait 13, 15 joueurs dans l’équipe, tu avais forcément une équipe type car tu n’avais pas la profondeur de banc d’aujourd’hui mais on était une équipe en devenir », conclut Blondeau. Sans oublier la touche finale, le coach. « J’ai plus de regrets sur 1992 que sur 1990, analyse Sonor. Pour Brême, on joue la finale le lendemain du drame de Furiani, donc on est forcément touché. Mais surtout on a des soucis physiques. Rui Barros joue avec une fracture de la cheville. En temps normal, il n’aurait jamais joué mais la finale se tient à Lisbonne, chez lui, alors il a joué diminué. Et quand tu débutes avec ton meilleur joueur amoindri...»

Trente ans après, les Monégasque­s regrettent d’être passés à côté d’une première, notamment celle d’être le premier club de l’Hexagone vainqueur d’une Coupe d’Europe. « On aurait pu être le premier...», songe Sonor avant de rectifier : « On aurait dû ».

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