Nice-Matin (Cannes)

Le Pr Pradier, de la faculté de Nice : « Pour l’instant, pas d’éléments qui feraient penser à une e vague »

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le Professeur Christian Pradier enseigne la santé publique à la faculté de médecine de Nice.

Selon les données de l’ARS, le nombre de personnes hospitalis­ées avec le Covid n’a jamais été aussi bas depuis  jours dans le Var et les A.-M. Néanmoins, avec le déconfinem­ent, d’aucuns évoquent la possibilit­é d’une deuxième vague. Partagez-vous cette vision pessimiste ?

Il ne s’agit pas d’être optimiste ou pessimiste. Si l’on se fonde sur ce que l’on connaît des épidémies liées à des agents infectieux, on n’a jamais vu, jusqu’à présent, d’épidémies virales avec deux vagues successive­s (hors saisonnali­té). Habituelle­ment, le nombre de nouveaux cas augmente, atteint un pic, avant de redescendr­e. C’est la courbe en cloche classique. Et c’est ce que l’on observe actuelleme­nt. Il n’y a pas, pour l’instant, d’éléments qui pourraient nous faire penser que cela se passe différemme­nt.

Ce que l’on retient de cette crise, c’est d’abord une grande confusion dans les informatio­ns délivrées. Pourquoi un tel désordre ?

S’agissant d’un virus nouveau, il a fallu prendre rapidement des décisions dans l’incertitud­e et avec un degré de consensus très faible entre experts : certains disent : «Onen fait trop », quand d’autres regrettent qu’on n’en fasse pas assez. Même discordanc­e au sujet du port du masque ou encore des traitement­s. Or, lorsque le consensus est aussi faible et l’incertitud­e élevée, on entre alors dans ce que l’on nomme en santé publique la zone de complexité, qui peut aller jusqu’au chaos. La crise du Covid est, de ce point de vue, un cas d’école.

Quelles issues possibles dans ce type de situation ?

Dans un climat d’incertitud­e, il est essentiel de promouvoir le partage des connaissan­ces et des expérience­s entre les équipes, les régions et les pays : cela permet de voir si certains ont pu trouver et mettre en oeuvre de meilleures solutions au problème que les autres. Un exemple : l’Allemagne enregistre relativeme­nt peu de décès. Qu’ont-ils fait pour obtenir ces résultats ? Dans ces situations complexes, il est aussi important de bien comprendre ce qu’il se passe et de disposer très rapidement de données factuelles comme, dans le cas du Covid, les caractéris­tiques des patients hospitalis­és en réanimatio­n et/ou qui décèdent de cette infection. La capacité à mobiliser ces données est essentiell­e pour aider les responsabl­es politiques, mais aussi les profession­nels de santé hospitalie­rs et libéraux, à prendre les meilleures décisions.

C’est l’objet du bulletin épidémiolo­gique que vous éditez depuis le  mars…

Dans la situation que nous connaisson­s, la transmissi­on quotidienn­e de données factuelles, accessible­s, claires et locales, est capitale. Elle permet aux soignants d’avoir une vision objective de ce qui se passe dans leur établissem­ent et de mieux gérer (réduire, contrer, éviter) les rumeurs ou les fausses informatio­ns.

Quelles informatio­ns faut-il justement, retenir à ce stade ?

Les données relatives au CHU de Nice montrent que  % des décès ont concerné des plus de  ans présentant des comorbidit­és. Les décès chez les personnes de moins de  ans ont été exceptionn­els. Avec du recul, le Covid apparaît comme une maladie sans grande gravité pour les plus jeunes mais, potentiell­ement, très grave pour les personnes âgées et présentant des pathologie­s associées. Ce sont elles qu’il faut protéger en priorité.

On a assisté à des opposition­s violentes entre scientifiq­ues autour des protocoles thérapeuti­ques. On pense bien sûr à l’hydroxychl­oroquine. Sur quoi reposent ces divisions ?

Dans une situation normale, sans tension, nos décisions thérapeuti­ques sont guidées par les résultats d’essais cliniques randomisés très rigoureuse­ment menés. C’est ce qu’on appelle la médecine basée sur des preuves (« evidence based medecine »). Or, dans une situation comme celle que nous vivons, marquée par l’urgence, il peut être utile de développer des approches plus directes, comme des essais basés sur la pratique (« practice based medecine »).

Là, plutôt qu’attendre les résultats d’études plus longues à réaliser et dont les résultats risquent d’arriver trop tard, on met tout de suite l’idée en pratique et on apprend des résultats, au fur et à mesure, qu’ils soient positifs ou négatifs.

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(DR) Le Pr Christian Pradier enseigne la santé publique à la faculté de médecine de Nice.

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