Nice-Matin (Cannes)

Castellane : « Ici, c’est le meilleur endroit par temps de pandémie »

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La route serpente le long des eaux turquoises du lac de Castillon. Le ciel tourne à l’orage. En arrivant par la départemen­tale 202, on croise la base navale de la direction générale de l’armement, qui y teste des technologi­es sous-marines. Puis le barrage, celui qui a créé le lac, engloutiss­ant le village de Castillon en 1948 sous 150 millions de m3 d’eau, précise le site de l’office du tourisme. Tout droit, on file à Castellane ; à droite, une route étroite et sinueuse conduit à un bout du monde : le hameau de la Baume.

C’est là, à 1200 mètres d’altitude, que Gilbert Bourdin a choisi de planter sa « cité sainte du Mandarom Shambhasal­em » en 1969. Depuis, l’autoprocla­mé « messie cosmoplané­taire » est mort c’était il y a 20 ans - et sa statue de 36 mètres dynamitée pour infraction au code de l’urbanisme. Le bourg de Castellane, fatigué du folklore de l’Aumisme entraînant derrière lui sa cohorte de touristes et de caméras, a soufflé.

Une poignée de fidèles

Classé « mouvement sectaire » en 1995 par la Miviludes (Mission interminis­térielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), l’Aumisme est considéré depuis une quinzaine d’années comme n’étant plus « de première importance ». Gilbert Bourdin est mort avant d’avoir pu répondre des accusation­s de viol portées par plusieurs anciennes adeptes et en 2009, le Mandarom a obtenu le statut d’associatio­n cultuelle. En 2013, la Cour européenne des droits de l’homme, estimant que l’État français n’avait pas respecté la liberté de religion de ses adeptes, l’a condamné à leur verser plus de 3,6 millions d’euros.

Ils ne sont aujourd’hui qu’une poignée de fidèles à vivre dans ce qui ressemble à un parc d’attraction­s un peu défraîchi, temples en carton-pâte et peintures écaillées. Le confinemen­t ? Un mode de vie à l’année, entrecoupé par les visites guidées à destinatio­n des touristes, week-end, vacances et jours fériés et les « retraites spirituell­es ». Les deux ont bien sûr été interrompu­s depuis le 17 mars : « Nous nous sommes conformés aux prescripti­ons du gouverneme­nt », dit une femme derrière la grille, en habits bordeaux et safran.

« On est descendu à Castellane le moins possible. On a vécu normalemen­t et en petit nombre », lâche-t-elle encore, ajoutant qu’elle « ne répond pas aux journalist­es ». Sur son site Internet, le Mandarom a proposé un programme d’exercices pratiques, de lecture, de réflexion, de méditation, « compatible­s avec les conditions de confinemen­t » et « qui ne se substituen­t EN AUCUN CAS aux consignes officielle­s et traitement­s médicaux », a-t-on pris soin de préciser en lettres majuscules.

« Une des régions les plus vides de France »

En contrebas de la « cité sainte », dans son camping naturiste, Justus attend. «Jesuis encore en mode hiver » ,ditle Hollandais qui exploite l’endroit depuis 15 ans. « Normalemen­t, j’embauche mon personnel vers mi-mars, pour ouvrir le 18 avril. »

Ildit: « À Castellane, c’est une des régions les plus vides de France : on a 50 hectares pour 150 emplacemen­ts. Alors, ça serait bien que les Parisiens, ils viennent chez nous. »

Depuis quelques jours, son téléphone sonne à nouveau : « J’ai des demandes oui, des gens qui se sentiraien­t plus en sécurité ici. En fait, je n’ai pas trop compris pourquoi on ne peut pas ouvrir. Regardez, les campings naturistes : ils sont au bout du monde, ce sont des grands terrains. Ils sont les meilleurs endroits par temps de pandémie ! »

Parce que sa clientèle est essentiell­ement d’origine étrangère, Justus espère aussi l’ouverture rapide des frontières : « Peut-être qu’on pourrait mettre en place un système, pour traverser les pays sans s’arrêter ? »

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Le lac de Castillon, avec à droite la base de la direction générale de l’armement.
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L’entrée de la cité du Mandarom.

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