Nice-Matin (Cannes)

Emotion après le suicide d’un directeur d’école

Bruno Delbecq s’est donné la mort, hier matin, dans la cour de l’établissem­ent scolaire. Il allait prendre sa retraite. L’enseignant âgé de 63 ans et père de deux enfants a laissé un courrier

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr 1. Téléphone : 06.43.06.30.77

Il vivait pour son école. Il était passionné par son travail, passionné par les enfants. Toute la ville est en deuil. Tous ceux qui l’ont connu ont de la peine. C’était vraiment quelqu’un de bien, j’ai beaucoup de chagrin », balbutie Joseph Segura aux abords de l’école primaire Ravet à Saint-Laurent-du-Var. Encore sous le choc, le maire slalome entre les voitures de police, municipale et nationale. Un important dispositif de sécurité est resté en place toute la matinée : hier matin, vers 7 heures, le directeur de l’école primaire laurentine a été retrouvé sans vie dans la cour de l’établissem­ent. Bruno Delbecq s’est donné la mort. « Tous nos éléments nous permettent d’affirmer que le suicide est avéré », insiste le commissair­e Vincent Leblond, chef de la circonscri­ption de Cagnessur-Mer et Saint-Laurent-du-Var. Selon plusieurs sources concordant­es, l’enseignant, âgé de 63 ans, marié et père de deux grands enfants, a laissé un courrier. Peutêtre y explique-t-il son geste désespéré. « C’était sa dernière année scolaire, il partait à la fin de l’année », ajoute Joseph Segura. « Cette école, c’était toute sa vie ». Michel-Jean Floc’h, directeur académique des services de l’éducation nationale des Alpes-Maritimes, lui aussi sur les lieux au plus tôt hier matin, renchérit : « Bruno Delbecq était apprécié de tous. Il faisait partie de ces enseignant­s entièremen­t investis, passionné par la mission ».

Cellule psychologi­que et numéro d’urgence

L’école Ravet rouvrira demain, normalemen­t à 8 h 15, pour accueillir les enfants, mais une prise en charge psychologi­que sera organisée. C’est déjà le cas depuis hier. En attendant de pouvoir installer la cellule au sein de l’école, le maire a mis sur place « dans le respect du protocole sanitaire », une « cellule psychologi­que Salle Ferrière ». « Avec deux médecins de l’Éducation nationale », précise MichelJean Floc’h. Un numéro de téléphone est également actif depuis hier (1). « Nous allons informer officielle­ment tous les parents et le personnel avant lundi », assurent en choeur le maire et le directeur académique.

Joseph Segura dodeline : « Ça va faire un choc à tout le monde. Il était très distingué, très classe, toujours avec un noeud papillon, c’était un grand instit. Un grand directeur d’école ».

Hier matin, autour de l’école, beaucoup d’effervesce­nce et de tristesse. « Je n’arrive pas à croire ce qu’il a fait. Mes deux enfants ont été chez lui. C’était un homme adorable et tellement investi. Il devait faire une grande kermesse, une belle fête de départ le mois prochain avec tous les enfants et même des enfants qui avaient quitté l’école », souffle une Laurentine qui habite tout près de Ravet. Laetitia, elle aussi, n’en revient pas : « Ma fille fréquente cette école. C’était un instit à l’ancienne avec de belles valeurs et beaucoup d’amour pour nos enfants, et beaucoup d’amour pour ce métier ».

Les hommages se multiplien­t

La mort de Bruno Delbecq a aussi agité les réseaux sociaux, où les hommages de parents et d’anciens élèves se multiplien­t. Certains d’entre eux avaient monté un groupe Facebook pour se retrouver et participer à sa grande « kermesse » de départ... Ce moment serait venu couronner toute une vie au service de l’éducation. Une vie de dévouement. Bruno Delbecq a marqué des génération­s d’enfants. Mais le virus en a décidé autrement.

La retraite...

Vivait-il mal la réouvertur­e de l’école et les mesures sanitaires ? Trop de pression ?

« Il avait accueilli les enfants de soignants pendant le confinemen­t. Et il était heureux du déconfinem­ent. Heureux de recevoir à nouveau davantage d’élèves », assure un père de famille. Michel-Jean Floc’h confirme : « Il avait très bien géré le protocole sanitaire au sein de son école. Tout se passait très bien, il supportait ça très bien ».

En revanche, selon plusieurs proches, le directeur vivait mal son départ à la retraite. « Il était investi à 400 % dans son travail. Il appréhenda­it de partir ».

« Son geste est symbolique. Il s’est donné la mort au sein de cet établissem­ent qu’il aimait tant. Mais il a fait ça un week-end et à l’extérieur pour que le personnel ou les enfants ne le retrouvent pas lundi matin », soupire quelqu’un qui le connaissai­t bien.

Bruno Delbecq était arrivé à Ravet en 2000.

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(Photo Eric Ottino) L’école Ravet sera ouverte demain à  h  pour accueillir les enfants, comme prévu, mais avec une cellule psychologi­que.
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(Photo E.O) Bruno Delbecq en juin  lors de la remise de kits de sécurité pour son école par Joseph Segura.

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