Délicate cohabitation avec les animaux dans l’Estérel
L’accès au massif, situé entre les Alpes-Martimes et le Var, était interdit pendant deux mois. La faune a réinvesti les lieux, s’exposant à divers dangers depuis que les barrières ont été rouvertes
Tandis que les Azuréens et les Varois se confinaient pour se mettre à l’abri du Covid-19, la nature se déconfinait dans le massif de l’Estérel. Interdiction totale d’y pénétrer depuis le 20 mars, les barrières baissées ne laissaient aucun doute là-dessus.
Fini le bruit des véhicules, des drones, des hélicoptères qui volent trop bas. Fini les cris d’enfants, les aboiements, la musique, les piétinements sur des espaces interdits, les VTT. La paix totale s’est installée, donnant envie à la faune et à la flore rassurées, de réinvestir les espaces réservés aux loisirs des 1 250 000 visiteurs annuels.
Chevreuils, cerfs, lézards
« J’ai été surpris par la vitesse de reconquête de la nature, s’étonne encore Phillippe Renaud-Bezot, responsable de l’Unité territoriale Grand Estérel pour l’Office national des forêts (ONF). J’ai vu des chevreuils et des cerfs dans des endroits où ils n’allaient pas avant, près des routes notamment. J’ai vu un lézard vert se chauffer sur une route goudronnée, où les véhicules sont autorisés habituellement. » Depuis que le 11 mai a sonné le déconfinement, les animaux, qui avaient réinvesti les lieux désertés pendant presque deux mois par les humains, courent les plus grands risques. Risques d’être écrasés, blessés, bousculés, dérangés... D’autant qu’il faut s’attendre à un afflux de visiteurs. En effet, selon Coryse Tourdot, chargée de projet au sein du Syndicat intercommunal pour la protection du massif de l’Estérel (SIPME), « une visite sur quatre a lieu en avril-mai. Cette période correspond au pic maximal que ce soit pour l’espace forestier ou la frange littorale ».
Les chiens sont une menace
Audrey Allemand, animatrice Natura 2000 pour la communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée, redoute quant à elle le retour des chiens non tenus en laisse : « La plupart des gens ignorent que les oiseaux ne nichent pas seulement dans les arbres mais aussi au sol. Durant le confinement, certains ont fait leurs nids dans des lieux habituellement très fréquentés. Les chiens vont aller renifler les nids, voire les détruire ou chasser les parents. »
Elle n’a pas résisté, dès le premier jour du déconfinement, à aller faire un tour dans le massif. «Le parking du col de Belle Barbe était bien rempli, a-t-elle constaté, s’inquiétant pour les tortues d’Hermann qui ont pris leurs aises dans le massif et sont en pleine période de reproduction. Pour jouer, les chiens les chassent, les mâchouillent au risque de percer leur carapace ou les rongent comme un os. »
Pas touche aux tortues
Elles se sont tellement rapprochées des routes ou des parkings vides et silencieux, que Philippe Renaud-Bezot craint que des promeneurs aient envie de les toucher, voire de les ramasser pour les emporter à la maison. Enfin, le retour du bruit est synonyme de nuisance pour ce monde sauvage. Et les voitures un danger permanent. Cerfs et chevreuils risquent de se faire écraser, comme les tortues ou n’importe quel animal, dont les oreilles ont oublié le vrombissement des moteurs.
« Il faut que les gens prennent conscience que la nature n’est pas un produit de consommation, insiste le responsable ONF. Elle doit être respectée, admirée. On va dans la forêt pour l’écouter, pas pour faire du bruit. »