La loi anti-licenciements abusifs soutenue par tous
Le texte encadrant les licenciements pendant la crise du Covid, voté à l’unanimité, est contesté par le patronat monégasque qui en appelle au Tribunal Suprême. Une position très isolée...
Sur ce coup-là, Philippe Ortelli ne s’est pas fait que des amis. En annonçant dans un communiqué de presse que la Fédération des entreprises monégasques, qu’il préside, avait engagé un recours en annulation de la loi anti-licenciement durant la crise du Covid, le patron des patrons s’est attiré la colère d’à peu près tout le monde en Principauté. Piqûre de rappel. Lundi 18 mai, la Fedem a déposé au Tribunal Suprême une requête visant à faire annuler la loi n°1.488 du 11 mai 2020 interdisant les licenciements abusifs (notre édition du 21 mai). « Ce texte limite de façon excessive et radicale les possibilités de licenciement (...). Par cette mesure, nous estimons que le législateur a porté une atteinte démesurée à la liberté du travail garantie par notre Constitution, ainsi qu’à la faculté de rompre le contrat de travail, composante de cette liberté », considère la fédération patronale. Une position tranchée, qui contraste avec celle, unanime, des institutions de la Principauté. Les réactions ne se sont pas fait attendre.
■ Syndicats :
« La perfidie et l’infamie de la Fedem »
Les premiers à s’indigner de ce recours en justice sont les syndicats. Et le plus important d’entre eux, l’Union des syndicats de Monaco. « Cette loi a été votée suite à l’abus de certains patrons. Le Conseil national et le gouvernement ont pris une bonne décision avec cette loi. Ce recours démontre la perfidie et l’infamie de la Fedem », attaque Olivier Cardot, secrétaire général adjoint de l’USM. Déjà, le syndicat se bat depuis longtemps contre l’article 6 de la loi monégasque, qui permet aux entreprises de Monaco de licencier un employé sans motif ni délai. Mais l’idée que certains patrons puissent estimer que la loi altère leur liberté de licencier pendant la crise du Covid lui est insupportable.
■ Gouvernement : « Éviter ces situations choquantes »
Les dents grincent, aussi, au gouvernement. On se souvient du coup de gueule de Didier Gamerdinger, fin mars, en découvrant le licenciement de plusieurs employés, au coeur de la crise sanitaire. « Si certains employeurs de la Principauté n’avaient pas eu recours à des licenciements en début de crise, alors que d’autres solutions simples maintenant l’emploi et plus humaines étaient à leur disposition, il n’aurait sans doute pas été nécessaire d’encadrer strictement ces ruptures du contrat de travail », indique aujourd’hui le gouvernement, qui affirme que «les pouvoirs publics ont pris leurs responsabilités pour éviter ces situations choquantes ».
Le gouvernement princier ajoute que, « dans un État de droit, tout justiciable est fondé à faire valoir ses arguments, s’il l’estime opportun, et à les présenter aux tribunaux. Il appartiendra à la justice de se prononcer à ce sujet ».
■ Conseil national : « Un débat d’arrière-garde »
Le Conseil national est aussi vent debout contre la démarche de la
Fedem, considérant que «lamise en cause de [cette loi] est un débat d’arrière-garde », commente Thomas Brezzo, président de la commission de législation (lire ci-dessous).
Parmi les élus de la Haute Assemblée, il y en a une qui se trouve dans une position délicate. Corinne Bertani, en effet, est aussi secrétaire général de la Fedem. Sans aucune hésitation, elle prend ses distances avec le patron des patrons sur sa décision de réclamer l’annulation d’une loi qu’elle juge « équilibrée, humaine et pragmatique » et qu’elle a votée (lire cicontre).
Que ce soit auprès des plus hautes autorités du pays qu’au sein même de la fédération qu’il préside, Philippe Ortelli doit se sentir bien seul.