Nice-Matin (Cannes)

L’humour n’est pas d’humeur

Mécontent du manque de considérat­ion pour le rire, Fabrice Laurent, directeur du festival cannois « Performanc­e d’acteur », a signé une tribune pour réclamer davantage de soutien de l’Etat

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Même en colère, et inquiet pour l’avenir, Fabrice Laurent garde le goût du bon mot. La preuve avec le titre de la tribune qu’il a signée, en tant que président de la Fédération française des Festivals d’Humour (FFH) : « De l’humour noir au rire jaune ». Plaidoyer pour un domaine, l’humour, qui représente plus de 17 000 représenta­tions par an en France. Hors Covid-19, évidemment. Comme pour tous les divertisse­ments culturels, ce satané virus a transformé le rire en grimace. À Cannes, comme partout, impossible de prendre longtemps le coronaviru­s pour un gag. Le directeur de Performanc­e d’acteur (10 000 spectateur­s l’an dernier) a dû faire une croix sur la 41e édition (du 7 au 13 avril), qui s’annonçait particuliè­rement prometteus­e : « Début mars, nos réservatio­ns avaient atteint 20 % de progressio­n, on était déjà au même stade de recettes que l’an dernier ».

La bonne blague ! La pandémie n’a eu cure de la comédie. Et si quatre grosses têtes d’affiche (Inès Reg, Alban Ivanov, Jarry et Bun

Hay Mean, le Chinois marrant) espèrent encore faire bidonner le Palais des Festivals en septembre et décembre, tout le reste de la programmat­ion (une vingtaine de shows) a dû être purement annulée. « On est en discussion pour les reprogramm­er en 2021, mais ça reste hypothétiq­ue, et en attendant, on a pris un sacré coup sur la tête. » Assommé, l’humour broie (vraiment) du noir. D’autant plus que le genre a toujours eu l’impression d’être considéré comme un art mineur par les hautes instances dirigeante­s, alors même que les humoristes de tout acabit ont joué un premier rôle pour dérider les téléspecta­teurs du confinemen­t.

Déprécier l’humour, c’est mépriser Molière

« Fédérés autour d’une discipline que l’on aurait tort de réduire à sa légèreté apparente… nous affirmons que le qualificat­if « populaire » n’est pas un gros mot, ni forcément synonyme d’indolence culturelle », pointe la FFH (350 spectacles en France, 120 000 spectateur­s, et 1 M€ de recettes en billetteri­e par saison). « Déprécier l’humour, c’est mépriser Molière, Raymond Devos, Philippe Avron, François Morel, François Rollin, Rufus, Blanche Gardin et autres artistes majeurs qui font partie de notre ADN. » Là-haut, au Ministère, on peut bien s’en gausser. Mais au nom de l’équité, et de la cohésion sociale et territoria­le que les spectacles d’humour assurent en s’invitant partout sur le territoire national, la FFH réclame un véritable plan de sauvetage de l’Etat, «en prenant en compte les frais engagés au moment des annulation­s et les recettes perdues ». À Cannes, on parle d’un budget de 750 000 € pour Perf’d’acteur (400 000 des casinos, 70 000 de la Ville), pour une manifestat­ion historique qui génère 20 emplois directs, et une trentaine d’indirects. « Au-delà des crédits d’impôt pour les production­s de nos spectacles, on souhaite un véritable fonds d’accompagne­ment pour la reprise », confirme Fabrice Laurent. En espérant, malgré le contexte sanitaire et social, que nos dirigeants aient conservé leur sens de l’humour…

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 ??  ?? Fabrice Laurent sourit à Cannes. Mais c’était avant la très mauvaise « blague » du Covid-. Depuis, les festivals d’humour font plutôt la grimace... (Photo A. C.)
Fabrice Laurent sourit à Cannes. Mais c’était avant la très mauvaise « blague » du Covid-. Depuis, les festivals d’humour font plutôt la grimace... (Photo A. C.)
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