Quand la pépinière revit
Privés d’entraînement pendant deux mois, les gymnastes du Pôle international antibois ont retrouvé les agrès cette semaine avec des mesures sanitaires strictes à appliquer. Un soulagement
On se serait presque cru au petit matin de Noël, à quelques heures de déchirer les emballages pour découvrir le cadeau tant attendu. Celui qui vous laisse un large sourire sur le visage. Pour les gymnastes antibois, la magie a frappé ces derniers jours sous 25 degrés. Enfermés depuis deux mois et condamnés à patienter, les pensionnaires du Pôle France ont pu retrouver le gymnase Pierre-Brochard en début de semaine dernière avec le (nouveau) climat qui l’entoure. Particulier.
« On leur prend la température chaque matin à leur arrivée, explique l’entraîneur Rodolphe Bouché en exhibant son petit carnet posé à l’entrée. Celui qui a plus de 38 degrés rentre chez lui et appelle un médecin. Si un gymnaste est déclaré positif, on referme tout. » Affiches de prévention, gel hydroalcoolique, masques de protection, désinfection du matériel et délimitation des espaces de travail au milieu des 800 mètres carrés du gymnase : toutes les mesures sont mises en place pour éviter les contacts même si les entraîneurs doivent garder l’oeil vif. «Ne vous manipulez pas entre vous les gars, demandez un entraîneur », lance le coach de Samir Ait Said à deux gymnastes en pleine exécution. Pour les jeunes comme pour les encadrants, la situation est inédite et les mesures parfois longues à intégrer. « On doit les surveiller pour qu’ils ne soient pas en faute toutes les trente secondes, sourit Philippe Carmona. Ils ont chacun leur espace de travail pour toute la durée de l’entraînement. »
« On reprend tout à zéro »
Et leur sac de magnésie personnel pour éviter les risques de contamination au moment de grimper sur les agrès. « Le ministère donne le cadre et la fédération dresse la liste des gymnastes autorisés à s’entraîner, détaille Bouché. La collectivité décide ensuite, ou non, d’ouvrir la salle. Si le maire avait dit non, on ne pouvait pas reprendre. »
Seule structure professionnelle française à pouvoir s’entraîner, - « les gymnastes n’ont pas encore repris à l’INSEP » -, le Pôle France surveille avec attention la reprise de ses neuf premiers athlètes (1). Affûtés physiquement mais bien loin de leur meilleur niveau sur le plan technique. «Onreprend tout à zéro, reconnaît Carmona. Rester à l’arrêt pendant deux mois ? C’est du jamais vu ! On estime qu’il faut quinze jours d’entraînement pour retrouver ses repères après une petite coupure de six jours. On en a au moins pour trois mois avant de retrouver les acquis techniques. Ils sont conscients qu’ils ont une chance inouïe de reprendre mais il va falloir gérer une certaine frustration liée à leur niveau. »
Tapis bâchés
Alors les athlètes répètent leurs gammes, échangent quelques mots à distance entre deux exercices et tentent de se rapprocher gentiment de leur niveau optimal. Philippe Carmona : «Il faut retrouver ses mains, faire de la corne. Là, ils n’ont plus de grip. La peau s’arrache très rapidement. Tous les acquis techniques sont perdus et il faut faire un gros travail de concentration pour les retrouver. On reprend au plus bas niveau qui existe. »
Le tout avec une seule séance d’entraînement par jour pour laisser les agents nettoyer la salle l’après-midi.
« Ils n’ont pas le droit d’utiliser l’aspirateur pour éviter de faire ressortir la poussière », détaille Rodolphe Bouché. Les encadrants ont donc décidé de bâcher les tapis pour les rendre facilement lavables à l’eau de javel. La structure attend même une nouvelle protection de 154 mètres carrés pour étendre encore plus la zone de travail. « C’est un prototype qui devrait servir à tous les gymnases de France », se marre l’expérimenté Carmona, gentiment taquiné par ses protégés au moment d’enfiler sa visière de protection.
Sans aucune nouvelle quant aux dates des futures échéances, staff et gymnastes reprennent peu à peu leur ancienne vie, sans pression. Mais celle-ci ne sera peut-être plus jamais vraiment comme avant...
1. Loris Frasca, Julien Gobaux, Antoine Borello, Samir Ait Said, Ugo Carmona, Melwin Touchais, Enzo Fazari, Léo Saladino et Antoine Pochon.