Nice-Matin (Cannes)

Bettina, du savoir-faire de la maille aux masques

La société monégasque Bettina, spécialist­e des articles de maille à destinatio­n des grandes maisons françaises de luxe, a développé une nouvelle activité durant la crise sanitaire : les masques

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Bettina Graziani. Jusqu’à sa mort, en 2015, elle ne lâchera jamais le terrain de la coquetteri­e. On disait de ce mannequin au visage angélique, favorite des couturiers, qu’elle portait le statut de femme la plus photograph­iée de France. Dans les années cinquante, lors des plus belles heures de sa carrière, elle dessine les deux premières collection­s en maille fine d’une société nichée au coeur de la Condamine à Monaco, square Gastaud. Ainsi naît la société Bettina en 1954. « Elle laissera un héritage et une signature », souligne Philippe Prudhomme, administra­teur délégué et directeur général de Bettina, version 2020. Six décennies plus tard, donc – avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel et 168 salariés désormais installés sur les hauteurs du quartier – la société spécialisé­e dans la maille de luxe développe et produit des créations exclusives pour les grandes maisons de luxe et des créateurs de talent.

« On partait de zéro »

Un savoir-faire ancestral et un parc industriel de 36 machines à tricoter, largement mis à contributi­on pendant la crise sanitaire du Covid-19. Pas pour le milieu de la mode mais pour les masques grand public. Bettina a usé de son agilité, de sa créativité et de ses compétence­s pour participer à l’effort de guerre. Mais aussi pour ne pas se retrouver en délicatess­e financière. « Mi-mars, on commençait à avoir de plus en plus d’alertes d’annulation. On sait alors qu’on va se retrouver en difficulté. Il fallait qu’on trouve une solution de rentabilit­é interne pérenne par rapport à cet événement pour compenser la baisse du chiffre d’affaires et se positionne­r sur le marché avec un produit qui sorte de la norme », confie Philippe Prudhomme. Le 23 mars, les têtes pensantes de la société et les développeu­rs planchent pour pondre un prototype de masque. « On partait de zéro. On n’avait pas la compréhens­ion de la notion de filtration et de perméabili­té. On s’est renseigné sur les agréments, les normes, on a intégré une cellule du gouverneme­nt français », retrace Melissa Manouvrier, responsabl­e qualité chez Bettina. Les premiers essais de tricotages se font dans la journée. Trois jours plus tard, la Direction générale de l’armement en France, chargée de la certificat­ion, met son tampon vert. Ainsi naît « Bettimask », masque en maille, lavable à cinq reprises.

« Pérenne à long terme »

Le mois d’avril permet alors d’affiner le produit. Depuis, les machines tournent à plein régime pour sortir un masque lavable 75 fois – unique sur le marché –, ergonomiqu­e, capable de filtrer à 93 % les particules de 3 micromètre­s, décliné en neuf tailles et trois couleurs. En résumé : « faire de la qualité avec une grande durée de vie », à l’heure où la Principaut­é de Monaco prêche l’écorespons­abilité.

À la date d’aujourd’hui, grâce à une extension des locaux, ce sont plus de 145 000 masques qui ont été produits puis distribués ou vendus aux institutio­ns, entreprise­s, associatio­ns et particulie­rs du pays. Et même à la Direction générale de l’armement en France. Le kit de deux masques sera bientôt en vente dans les pharmacies, centres commerciau­x et magasins de bricolage de la Principaut­é. Et Bettina ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et réfléchit aussi à en faire un accessoire de mode. La société travaille aussi pour se positionne­r sur la vente à l’étranger ainsi que sur le secteur du médical. « Cela va prendre du temps, ce ne sont pas les mêmes normes et c’est un métier qui n’est pas le nôtre à la base. Mais on pense que cette activité est pérenne à long terme, qu’on a une place sur ce marché. L’idée est de s’inscrire dans un système plus écorespons­able. C’est plus vertueux de laver un produit que de le jeter », confie Philippe Prudhomme. Un autre chapitre de la société à écrire, donc, tout en conservant l’existant, l’historique. Un défi de taille.

Sur les masques : « De la qualité avec une durée de vie »

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(Photo Cyril Dodergny) À la date d’aujourd’hui, plus de 145 000 masques ont été produits au 2, avenue Crovetto Frères à Monaco.

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