Nice-Matin (Cannes)

L’APPEL DE LA MER

Coup d’envoi aujourd’hui de la concertati­on en vue du « plan massif » promis par l’Élysée. Les enjeux sanitaires, et politiques, sont énormes

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Après dix semaines d’une crise sanitaire sans précédent depuis un siècle, elle-même survenue en pleine mobilisati­on concernant les moyens dévolus à l’hôpital public, c’est un euphémisme de dire que l’exécutif est attendu au tournant. Le gouverneme­nt donne aujourd’hui le coup d’envoi de son « Ségur de la santé » – du nom de la rue où est implanté le ministère en question –, vaste concertati­on destinée à améliorer les conditions de travail du secteur et la prise en charge des malades. « Nous irons vite, nous irons fort », a promis le ministre de la Santé, Olivier Véran. Une première réunion par visioconfé­rence se tiendra à partir de 15 h 30.

Objectif mi-juillet

Près de 300 personnes devraient y participer : des représenta­nts des hôpitaux, mais aussi des Ehpad, des établissem­ents médico-sociaux, de la médecine de ville… Les discussion­s, coordonnée­s par l’ancienne secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat, dureront sept semaines. Elles prendront la forme de « groupes de travail » et de « partage d’expérience ». L’objectif est de « tirer les conclusion­s au plus tard à la mi-juillet », a prévenu Olivier Véran, disant vouloir inscrire certaines des mesures retenues dans le prochain budget de la Sécurité sociale, qui doit être présenté fin septembre. Un délai qui ne va pas sans susciter des inquiétude­s. « Si tout doit être bouclé d’ici au 15 juillet, les marges de manoeuvre vont être très limitées pour la négociatio­n » ,regrette ainsi un responsabl­e syndical, qui pointe le risque d’une « simple consultati­on ». « Le fait que ça démarre vite est un bon signal » mais « à condition que le gouverneme­nt ne cherche pas à solder trop vite et à peu de frais le passif, qui est lourd à l’hôpital », a prévenu de son côté sur RFI le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier.

Un manifeste publié hier soir

Cette démarche répond à la promesse d’Emmanuel Macron, qui avait évoqué fin mars « un plan massif d’investisse­ment et de revalorisa­tion » pour l’hôpital, dont la crise sanitaire a révélé les faiblesses et les dysfonctio­nnements. Depuis 2017, plusieurs réformes ont pourtant vu le jour, dont « Ma santé 2022 », censée renforcer le système de santé « pour les 50 années à venir ». Mais ces plans successifs n’ont pas réussi à calmer la colère des soignants, agacés par le manque de moyens.

En témoigne un manifeste publié hier soir par Libération. OEuvre d’un « collectif de soignants médicaux et paramédica­ux » baptisé « Les jours heureux », il est signé par des personnali­tés en première ligne dans la défense de l’hôpital public, dont des membres du Comité inter-hôpitaux ou inter-urgences, ainsi que la sociologue Dominique Méda ou encore l’ancien directeur de Santé publique France, François Bourdillon. Revalorisa­tion des carrières, égal accès aux soins, rattrapage pour la psychiatri­e, réforme de l’Assurance-maladie, refonte des études de médecine… Il rassemble un vaste ensemble de propositio­ns détaillées, et s’accompagne d’une lettre ouverte à Emmanuel Macron, soulignant « l’évolution extrêmemen­t préoccupan­te du système de santé [...] sans réponse à la hauteur » . Et d’avertir que les « combattant­s épuisés » risquent de « déserter » si la réponse de l’État est insuffisan­te.

Salaires, temps de travail et investisse­ments

Au coeur des attentes : le salaire des personnels hospitalie­rs, et notamment des infirmiers, parmi les plus faibles des pays de l’OCDE. L’objectif est d’atteindre un «niveau de rémunérati­on correspond­ant au moins à la moyenne européenne » , a déclaré le ministre de la Santé.

Autre question clé : l’organisati­on du temps de travail, source de tensions récurrente­s dans les hôpitaux. La réforme « passera par une remise en question de certains carcans qui empêchent ceux qui le souhaitent de travailler davantage », a indiqué Olivier Véran. Une question sensible. «Ilne faut pas pervertir ce Ségur de la santé en brandissan­t un totem de remise en cause des 35 heures », a prévenu le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

Ces discussion­s seront enfin l’occasion pour l’exécutif de préciser ses intentions en matière d’investisse­ment et de reprise de dette des hôpitaux, et les réformes qu’il souhaite en vue d’améliorer la « gouvernanc­e » du système de soins. Forts du soutien dont ils bénéficien­t dans l’opinion publique, les soignants ont prévu plusieurs journées de mobilisati­on. «On va attendre de voir si le gouverneme­nt tient ses engagement­s », a averti Asdine Aissiou, délégué CGT à l’hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrièr­e. Sinon, « dans la rue, il n’y aura pas que des blouses blanches, mais tous ceux qui étaient sur les balcons ».

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(Photo d’archives Dylan Meiffret) La pandémie a rendu encore plus sensible la question des moyens, qui faisait déjà l’objet d’une mobilisati­on sans précédent (cidessus à l’hôpital Pasteur  à Nice en juillet dernier).

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