Nice-Matin (Cannes)

Médailles, c’est non ! Fatia, à Nice, des jours sans fin pour   euros

- JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD

Aide soignante en réanimatio­n à l’hôpital Pasteur, à Nice, Fatia, 42 ans, remonte le temps de la guerre contre le virus et ne peut imaginer que le gouverneme­nt n’ouvre pas les yeux sur l’état de l’hôpital public. Elle n’a pas vu le jour pendant plus de deux mois. Au coeur de la pandémie. Sur la toute première ligne. Depuis qu’il n’y a plus un seul Covid en réa, cette quadragéna­ire avoue mieux respirer. «Ona passé le pire. Mais il n’est pas parti comme par enchanteme­nt ce fichu virus ! Il ne faut rien lâcher. »

« Équipes soudées comme jamais »

À quelques heures de prendre sa garde, Fatia se souvient. De l’incrédulit­é, d’abord, quand « tout le monde pensait que l’épidémie ne passerait pas par nous, malgré les mises en garde des Italiens ». Puis de l’angoisse : « Les copains de l’Archet ont été les premiers touchés. On se tenait au courant d’heure en heure. Un vendredi soir, mi-mars, je prends ma garde et le premier malade du coronaviru­s est admis chez nous en réa ». À partir de là, tout bascule. La vie entre peur oppressant­e et mobilisati­on de tous les instants. Un double confinemen­t. À la maison, où son fils de 17 ans doit se protéger d’elle. Et à l’hôpital, dans ce qui ressemble à une guerre de tranchée. « On a d’abord eu le sentiment qu’on était livré à nous-mêmes, avec ordre et contre ordre sur les protocoles à respecter. Heureuseme­nt, nos cadres sont au top. Les équipes soudées comme jamais. »

Elle se souvient des services qu’il faut réaménager en tiroir pour trouver des lits en catastroph­e. De l’épuisement quand le service est plein. Du sentiment que la solidarité extérieure est bien plus efficace que les aides de l’État : « Ces gens, particulie­rs ou patrons d’entreprise­s, qui viennent nous livrer des masques, des visières, des gants et tout un tas de choses dont on a cruellemen­t besoin. C’est formidable, ça nous tient. »

Des heures et des jours sans fin. Avec quelques rares éclaircies dans cette tourmente sanitaire. Comme l’histoire de ce sexagénair­e infecté par le Covid19

qui frôle la mort à deux ou trois reprises.

« Le miracle »

Arrêts cardiaques en série. Peu d’espoir. « Et le miracle. Au bout d’un mois, il remonte la pente. Il s’en sort. Quand il nous quitte, c’est nous tous, les soignants de Pasteur, qui lui faisons une haie d’honneur. » Exemplaire Fatia ? « Les applaudiss­ements à 20 heures, ça me faisait chaud au coeur. Mais en vrai, on n’a fait que notre taf. Celui qui, le plus souvent, est le fruit d’une vraie vocation. Rien de plus !» Pas de fausse humilité dans son discours. Juste une pointe d’amertume envers le gouverneme­nt qui propose un Ségur de l’hôpital : « Il est bien triste qu’il ait fallu en passer par ce drame sanitaire pour se rendre compte de l’état du service public de santé. » Plus assez de lits. Des moyens insuffisan­ts. Et des salaires qui, Covid ou pas, sont « scandaleus­ement bas ».

Éligible à la prime réanimatio­n, Fatia ne se plaint pas : « Je tourne autour de 1 600 euros par mois, mais parce que j’ai dix ans d’ancienneté… » Sa confession n’est pas dénuée d’une pointe d’humour noir. Et quand elle évoque la rémunérati­on des infirmière­s, elle se fâche tout rouge. «Je garde espoir, je me dis que le gouverneme­nt ne peut plus faire semblant de rien… et aussi que cette solidarité formidable des Français, elle joue pour l’hôpital public. »

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(Photo Frantz Bouton) « Le gouverneme­nt ne peut plus faire semblant. »

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